Sidney Lumet (dans le reportage sur le tournage du film):
"C'est un film sur la tromperie.
Les bons se révèlent être affreux. Et certains des méchants bons. Ceux qui sont moraux se comportent immoralement. Les immoraux avec une grande noblesse parfois. Mes définitions du bien et du mal ont été jetées dans un boîte et complètements mélangées."
Rick Cappalino (joué par Norman Parker), personnage du film (procureur), au cours d'une scène:
"Je crois que pour la plupart des flics, la corruption fait lentement son chemin. C'est presque imperceptible.
Mais revenir en arrière n'est possible qu'en sautant dans le vide. Un saut dangereux où l'on risque... tout."
Ces deux citations résument on ne peut mieux, à mon goût, la formidable complexité des mécanisme humains décrits ici. Thème cher de notre vénéré Lumet (la corruption chez les flics), entre Serpico (1973) et Contre-enquête (1990), ce prince de New York, lui aussi inspiré d'une histoire vraie, est assez phénoménal.
Rarement un tel degré d'ambivalence, d'ambiguité, de complexité (donc) n'aura été à ce point brillamment mise en image que comme dans ce polar. Très loin des films d'un Olivier Marchal, par exemple, qui tentent benoitement de marcher sur les mêmes terres, (mais avec de gros sabots) par contre très près de faits divers lyonnais qui ont défrayés la chronique récemment (en effet les époques, les lieux changent, pas les méthodes), ce film n'est en aucune façon une charge contre une institution ou des individus.
Au contraire, rarement je n'aurai aussi bien compris comment et pourquoi une ligne, fut-elle jaune ou rouge (ou la couleur que l'on voudra), est franchie.
Rôle d'une vie pour Treat Williams que l'on ne verra jamais plus dans un rôle d'une telle envergure (envergure qui le dépasse d'ailleurs légèrement dans certaines scènes), au coeur d'un casting composé d'acteurs professionnels (fantastiques éternels seconds rôles) et d'amateurs fantastiques.
Petite perle du reportage cité plus haut: quand Lumet décrit le parti pris de changer la composition des images au fur et à mesure que le film évolue. Plans larges dans le premier tiers avec une immense richesse des détails en arrière plan, plans moyens dans la partie centrale du récit, et série de gros plans sur des visages très éclairés (dans un cadre devenu sombre) dans le dernier tiers.
Magistral.
Un moment intense qui vous reste chevillé au corps et à l'esprit longtemps après l'avoir vu, de la trempe de ceux qui vous mieux comprendre et connaître ces étranges créatures qui nous entourent que sont nos contemporains.
OK, j'ai triché dans le titre. On ne parle pas de ducs dans le film, mais de princes. Ça passe quand même, non ?