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Je pense qu'il est intéressant de mettre en avant le fait que ce film est fait pour les gens qui apprécient le dialogue, c'est un film qui voue tout pour le dialogue, et le dialogue voue tout au rythme, à l'attente d'une irrémédiable résolution sur le crime qu'un homme à, ou n'a pas commis.

Tout d'abord, j'apprécie les choix techniques de mise en scènes qui visent à parler formellement de l'espace de la salle et du rapport physique entre les personnages, c'est à dire que amis comme ennemis sont tous dans la salle pour un seul homme, la, à quelques pas. En ce sens, il y'a eu plusieurs choix, tout d'abord le plus évident, le huit clos, celui qui vise à ne pas mettre en place des flash-backs lourds, à ne placer qu'un seul décor comme définitif visuel du film, ça peut déplaire à celui qui aime avant tout l'esthétique visuelle dans la mise en scène, moi, ça ne me déplait pas. Il y'a ensuite ce choix du ratio carré ou quasi-carré, qui vise à appuyer sur ce point d'espace étroit, d'espace clos et surtout du rapport physique proche des personnages du film. Enfin, sans doute le plus important, les choix de cadrage, qui visent à se rapprocher toujours de celui qui écoute, on peut toujours voir quelqu'un qui parle depuis le point de vue (ou presque son point de vue, car on est en réalité à son épaule) de celui à qui le personnage parle.

Nous sommes dans ce film soumis aux mêmes problèmes que les personnages, tout d'abord l'attente, l'attente du jugement que les jurés vont donner, mais aussi l'attente de savoir si notre ennemi sera puni, ou si notre ami sera innocenté. Vient alors le problème de l'action, les seuls actionnaires du sort de Goldman, les professionnels et les témoins, ces personnages qui seront majoritairement ceux qui parleront durant tout le procès, tout le film, même si un jeu de regard discret se glisse dans les bancs adressés aux civils, et que certaines interventions viendront de ces dit-bancs.

Les personnages il faut aussi en parler, parler de comment il sont traités. Je pense que le personnage le plus réussi n'est pas celui de Goldman, comme j'ai pu l'entendre ici et la, mais plutôt celui ou ceux en l'occurrence des cinq avocats, qui sont les réels personnages principaux du film, les 3 qui défendent, et les 2 qui plaident l'accusation. Même si le film est régi par un certain manichéisme vis-à-vis des protagonistes et des "antagonistes" (si je puis dire cela des personnages qui plaident l'accusation…), une certaine subtilité dans leurs choix est à noter, notamment dans l'action qu'a l'avocat principal à la défense, de changer son discours à la dernière minute suite aux conseils de son pair. Ceci dit je pense que le personnage de Goldman est trop iconique, trop parfait, dans le sens ou il à la répartie d'un homme charismatique, quasiment sans accroc, alors qu'il est défini dans les témoignages comme quelqu'un de bohème et même de violent, de dangereux. Je veux bien qu'il ait changé, mais on passe d'un voyou aux allures de militant communiste optimiste (même si dépressif), à un espèce de parrain sûr de sortir victorieux, tout du moins philosophiquement. Ceci dit j'aime particulièrement la tension entre Goldman et son avocat, le rapport que ces deux personnages entretiennent ajoutent une certaine subtilité à l'écriture des personnages, que j'apprécie beaucoup, c'est une chose qui est mise en place dès les premières secondes du film, ceux qui montre bien l'intérêt de l'auteur pour ces choix.

C'est aussi un film qui parle beaucoup de son point de vue politique du tribunal, les témoins ne sont pas fiables, l'accusé intervient constamment, les règles ne sont pas suivies, parce qu'elles sont considérées absurdes, ou parce que certaines les utilisent en leur sens pour gagner sans chercher quelconque vérité. C'est un film sur le mensonge, sur le non-souvenir, sur la réminiscence d'un moment qui ne nous concerne même pas, en bref, un film qui veut montrer la faiblesse du système judiciaire français dans les années 70.

Je dirais que c'est aussi un métrage qui parle beaucoup de l'actualité. Juifs, racisme, police, justice, présomption d'innocence, ce sont tous des termes et des concepts qui sont beaucoup remis en perspective par rapport aux évènement actuels, alors faire un film aussi radical sur ces sujets, c'est parler aussi de l'actualité de 2023. Les soulèvements contre la police en France, par rapport au film, mais ça marche aussi pour tellement de pays qui vivent des évènement similaires, comme les Etats-Unis par exemple. On peut aussi parler du conflit israélo-palestinien qui est au cœur de l'actualité mondiale (même si pour le coup les ravivements ont paru après la sortie du film, la pression était tout de même la depuis la seconde guerre mondiale, c'est pour dire…).

À propos de l'esthétique visuelle, il n'y a pas de grandes qualités, et je trouve ça plutôt positif, de fait, parce que ça aurait desservi le récit, cette photographie qui vise simplement à littéralement mettre en lumière les personnages qui parlent, cette image formelle qui ne vise qu'à montrer sans jugement, reflète bien l'idée que la justice se fait d'elle même, objective, sans sentiment, voir même froide. Le seul changement a lieu lors de la scène du verdict, les couleurs sont chaudes, l'attente devient littéralement bouillonnante, et encore une fois je trouve que ces choix esthétique simples sont bons pour servir un récit de dialogues et non d'images. Car les images intéressantes, ce sont celles que nous nous reconstituons à l'écoute de tout ces témoins, qui parlent du passé comme d'un récit, comme d'un film qu'ils ont vu, ou qu'il croient avoir vu.

cyberdurian
8
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le 16 oct. 2023

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