Il y a des idées comme ça, qui font lever un sourcil... donner à une comédie musicale des années 60 une suite absolument pas nécessaire, vu que tout était dit dans l'original, par exemple.


Je suis malheureusement très fan du premier Mary Poppins, j'ai donc accueilli la nouvelle le croc sorti - parce que comme tous les fanboy bien régressifs, j'aime pas qu'on dérange mes jouets - mais la critique m'ayant un peu calmé, j'ai jeté un œil.


Le film me l'a rendu rose et collant. Je n'étais donc pas très content. Critique.



Le temps ne fait rien l'affaire...



Michael et Jeanne Banks - les enfants du premier film - ont grandi et avec l'âge s'est légèrement dissipé le souvenir de leur fabuleuse nounou sauveuse de papa banquier enfermé dans la routine. Pourtant, ladite routine n'a guère épargné les deux adultes : suite à un emprunt calamiteux, la banque s'apprête à saisir la maison. Michael, maintenant père de trois bambins à son tour, a perdu sa femme peu avant et se retrouve pris à la gorge. C'est ce moment que choisit Mary Poppins pour se poser au 17 allée des cerisiers et sauver - une nouvelle fois - monsieur Banks.


Et rien que sur ce postulat, j'ai déjà un problème. Rappelons que les pouvoirs de Mary Poppins ont pour seule et unique fonction d'injecter le merveilleux dans un morne quotidien, en donnant vie aux dessins, aux jouets, en sortant de son sac sans fond parapluies qui parlent ou sirop multi goûts. Elle est le morceau de sucre, celui qui "aide la médecine à couler" : elle répare les petites blessures de la routine et aide les adultes - oui car ce sont les adultes qu'elle vient aider, par le biais des enfants - à voir au-delà de leur grisaille quotidienne. Avec cette proposition, le scénario du premier film, ultra simpliste - un père banquier trop pragmatique bouffé par son boulot et sa rigueur - fonctionnait parfaitement. Ici, il ne s'agit plus de grisaille mais d'une menace de faillite et de mise à la rue, sur laquelle trône un banquier méchant TRÈS méchant. Comment dire que dans ce contexte, on se dit qu'un comptable serait un brin plus efficace que notre chère Mary, qui du reste, ne va avoir en définitive que peu d'incidence sur la situation en se contentant de pousser les enfants à se confronter au banquier ? (Oui parce que quand tu es au bord de la ruine, le mieux reste d'envoyer les goonies négocier avec ton conseiller bancaire). C'est beaucoup trop d'enjeux pour un Mary poppins et en même temps trop peu : ici on parle de fric là où le premier film... voulait qu'on en parle moins, justement. Et cela donne un scénario banal, flanqué d'un méchant caricatural qui veut foutre les Banks à la rue parce que c'est dans le scénario ma bonne dame.


Et comment dire que le film apportant comme réponse à cette situation - bien adulte et réelle - des chevaux qui parlent et des dauphins dans une baignoire m'a légèrement donné l'impression qu'il me prenait pour un con ? Là où son prédécesseur ne prenait justement pas ce risque ? C'est quoi le troisième opus ? Mary Poppins règle le conflit au proche Orient ? Notez que ce serait à peine moins con.


Et comme je sens arriver l'argument...



C'est pour les ENFANTS !



Alors. Oui. Certes. Sauf que non. Enfin, oui si on admet que dans la catégorie "enfants" vous comptez les trenta-quadra-quinqua qui ont grandi avec le premier et se le rematent avec un chocolat chaud et leur alignement de peluches sur le lit (et fais pas style, toi, là. Tu l'as fait autant que moi alors te la raconte pas trop).


Le style du film, dans son visuel, dans sa musique, dans sa réalisation et ses dialogues est résolument rétro : décision a été prise de coller à la tonalité de l'original autant que possible, jusque dans la colorimétrie. Et si je ne suis pas expert en enfants, au vue de la production actuelle, je gage qu'un gamin des années 2000 va s'emmerder sévère devant ce Mary Poppins et le trouver un peu ringard, puisqu'il l'est, intentionnellement. Les dialogues sont trop ampoulées pour des petits, l'histoire trop compliquée - on y parle de certificats et d'actions bancaires quand le premier tournait tout ça en dérision pour parler le même langage que les enfants - et le rythme très lent les emmerdera probablement. Non, ce film vise clairement les fans de la première heure. D'où l'impossibilité de le regarder sans le comparer. Je ne fais même pas ça par purisme à la noix mais parce que de lui-même ce film a vocation d'être un calque posé sur son aîné, dans son rythme, son style et même son déroulé.


Mary emmène les enfants dans un dessin qui se mue en animation 2D ? Check. On troque le champ de course contre un numéro de music hall où Mary fait du french cancan (la Mary qui se disait trop respectable pour jouer à la course, rappellons-le...).


Mary visite un membre éloigné de sa famille qui a une maladie absurde ? Check. On troque juste le cousin contre une Meryl Streep en sorte de madame irma sous crack qui souffre exactement du même mal, rester collée au plafond, c'est dire l'originalité.


Tout est prévisible parce que tout a déjà été vu. En mieux. Et avec de meilleures chansons.


Les chansons. Parlons-en. Ce Retour de Mary Poppins ne chante pas, il discourt des paroles chiantes et cucul sur de la musique broadway peu inspirée. Je suis pourtant bon public en comédies musicales et j'aimais les chansons du premier film, aussi neuneu puissent-elle paraître aujourd'hui - mais là, chaque couplet m'inspirait un long et douloureux soupir à base de "c'est toujours pas fini ?".


Oui parce que si vous aviez trouvé la danse des ramoneurs du premier trop longue ou la séquence du tonton au plafond vaguement gênante, là, on a du challengeur sérieux sur le "trop long"/"embarrassant".


Un scénario cliché qui arrive à tomber à côté et un rythme mou repompé sur le premier, donc. Et le réquisitoire n'est pas fini.



La médecine coule un peu trop, va chercher l'éponge



On aurait pu penser qu'au moins, avec les progrès fait côté effets spéciaux, ce retour de Mary Poppins offrirait de jolis moments de magie pour les yeux, histoire de nous récompenser de subir ses chansons.


En ce qui me concerne, cela a eu l'effet exactement inverse : l'amélioration des effets spéciaux donne un côté baveux et kitsch à l'ensemble, qui sonne faux. On voit les fonds verts, on voit la CGI, les couleurs dégoulinent et s'il y a en effet quelques jolis plans - notamment pendant le numéro aquatique - tout ça reste trop artificiel pour émerveiller vraiment. J'en regrette la vieille stop motion et les piafs empaillés du premier, c'est dire. C'est le fameux paradoxe de la stop motion qui a l'air fausse mais s'intègre mieux dans un plan que de la synthèse parce qu'elle est physiquement présente. Ici, on touche du doigt le problème. Qui plus est, l'agression permanente de couleurs ultra saturées finissent par rendre les scènes confuses, sans jamais les laisser respirer, comme si faire quelque chose de légèrement plus contemplatif était interdit. On parle de MARY POPPINS, celle qui serine sans cesse aux enfants de se mesurer et garder raison. Elle aurait été inspirée de le faire plutôt auprès du réalisateur parce que cette bouillasse d'animation et de couleurs, je m'en serais passé et j'ai une pensée émue pour ceux qui sont allés voir ça au cinéma. Les pauvres.



Mary dans l'ombre



Je ne pouvais pas tout jeter dans ce film, et il y a au moins quelque chose à sauver : les acteurs. Michael et Jeanne Banks sont en retrait, donc peu intéressants mais les enfants jouent de manière plus que correcte. Et il y a Emily Blunt.


Difficile de passer après Julie Andrews. Et pourtant. Emily Blunt, moins maternelle que cette dernière, injecte une légère malice à sa Mary et parvient à se l'approprier sans la dénaturer. Elle a la prestance naturelle pour le rôle et le côté pétillant qui assure le spectacle. Elle ne néglige ni son côté féerique ni son côté gouvernante et ne tombe pas - contrairement à tout le reste du film - dans un travers mièvre. Elle mène parfaitement les scènes où elle apparaît qui sont... en définitive assez peu nombreuses. Oui car le film, dernier faux pas, commet l'erreur de beaucoup plus se concentrer sur les enfants que leur fabuleuse gouvernante. Car qui voudrait voir une nounou capable de donner vie à ton coffre à jouet quand on peut se concentrer sur trois mioches banals ? Cela contribue en outre à rater le lien affectif que Mary pourrait tisser avec les Banks. Elle fait ici plutôt office de maître d'orchestre donnant le la et disparaissant dans l'ombre de la salle quand le cirque est lancé. C'est un peu une balle dans le pied quand le seul truc qui marche dans ton film c'est celui sur lequel personne n'aurait parié : ton actrice principale. Chapeau(rouge) bas à Emily Blunt. Elle fait au moins honneur à son rôle.



Deux pences ne suffisaient pas...



Je sais que j'ai l'air du vieux fan aigri, dans cette critique. Mais encore une fois, cette suite se construit d'elle-même sur son aîné, comme si elle craignait de s'en détacher et de contrarier les fans, sa cible privilégiée.


Sauf que là où elle se distingue, elle le fait mal : elle ajoute des enjeux trop grands/trop décalés, un méchant alors qu'elle n'en a pas besoin (l'homme est son propre ennemi, dans le premier), des FX baveux kitschouille quand ceux du film de 64 lui donnaient des allures de petit théâtre qui collait au fait que tout ça découlait de l'imagination des enfants, des enfants au centre d'une intrigue beaucoup trop compliquée pour eux alors qu'ils n'étaient que spectateurs...


Et tout ce qu'elle fait pareil, elle fait également mal : le premier film flitrait avec le mièvre sans jamais y basculer en glissant des scènes mélancoliques ou calmes, ici, tout est une course effrénée de couleurs et de bruits. Le premier Mary Poppins souffrait déjà de quelques longueurs et d'une histoire un peu molle, tout ici est pire, malgré l'incapacité des scènes de "merveilleux" à souffler (oui c'est totalement paradoxal, ça arrive à la fois à être hystérique et mou.). Certaines choses sont reprises in extenso en clin d’œils grossiers, bêtement copié-collés (Mary remontant la rampe sur la même musique, laissant son reflet dans le miroir, etc...). Quitte à reprendre la recette, ce "retour" aurait dû le faire jusqu'au bout. Il n'aurait eu aucune originalité mais ne se serait pas plombé avec les défauts que son aîné avait évité - parfois de justesse.


Que reste-t-il ? Une banale histoire de film live disney de l'époque où des enfants à eux tout seul empêchent papa de finir à la rue, avec la caution dansante et chantante de leur nounou devenue inutile et réduite à un numéro de Music hall. Pour tout vous dire, sa présence était bien plus palpable dans "Saving Mr Banks", qui a en outre le mérite d'être un meilleur film, qui a su mélanger drame et merveilleux sans filer de nausée multicolore. Berk.

SubaruKondo
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le 5 avr. 2019

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