Dans des temps immémoriaux, à l’époque des chevaliers, à l’époque du
roi Arthur : des robots armés de fusils lasers débarquèrent du futur
par un vortex magique pour voler l’épée d’Excalibur afin de s’en
servir pour conquérir le monde. Mais alors la fille de Merlin décide
de partir à l’aventure en string, pour récupérer l’épée des griffes
terribles robots.*
Si vous êtes un amateur de vidéo de podcaster, vous savez probablement d’ors et déjà d'ou ça vient. Et j’oserais dire que ce synopsis de série Z n’est peut être pas si pourri que ça comparé à ce que la relecture version Guy Ritchie a à nous vendre.
Et avant que quiconque se moque, je tiens à rappeler une chose : j’apprécie Guy Ritchie en principe, notamment pour ses deux Sherlock Holmes et sa manière de relire le mythe autour du fameux détective de manière décomplexé et plus comique, même dans ses intrigues londonienne et sa part de surnaturel ou sa façon de filmer à base d’effet stylisé additionné à son découpage pulpé lors de l’action sans aller dans une surenchère vomitive. Je pense aussi que quiconque connaissant un minimum sa filmographie a connaissance aussi de son Snatch qui reste, à ce jour, son meilleur aboutissement.
Après un Code U.N.C.L.E plus mineur, Ritchie poursuit sa route avec une nouvelle tentative de relecture d’un mythe britannique avec la légende du roi Arthur et de lancer une franchise de film sur les légendes Arthurienne. Je crois pas avoir besoin de citer les œuvres autour de ces mythes, que ça soit en animation, en film classique et kitsch ou en série télévisée comique (Merlin l’enchanteur, Kaamelot, Monty Python : Sacré Graal et Excalibur, vous en connaissez très probablement un). Sauf que, et j’insiste sur ces deux mots : on a le droit non seulement à une relecture, mais aussi à un bon gros cake aux dosages aléatoire (et sujette à interrogation parce que : Houlà) de plusieurs éléments de la culture populaire en terme d’œuvre médiéval et à un Ritchie qui a décidé de briser les frontières de l’improbable
Le fait étant, beaucoup l’auront remarqué, que Guy Ritchie semble vouloir faire un pseudo-Seigneur des anneaux en y incrustant ses gimmicks de réalisation et son style bad boy avec toutes les références et repompe qu’on peut trouver dans son intrigue. Sauf qu’il n’a pas le savoir-faire de Peter Jackson et encore moins un don inné pour l’héroïc fantasy. Malheureusement, son film ne repose que sur deux choses : sa réalisation tape à l’œil avec un découpage charcuté et porte nawak sans le moindre sens du dosage, et ses plagiats à gogo qu’il pioche en grande partie dans des œuvres qui ont fait mille fois mieux leurs preuves que ça, le tout avec une narration incapable de s’accorder avec ce joyeux foutoir.
Une fois passé les 3 ou 4 premières minutes (profitez de ces instants, ce sont les seuls qui dégagent un brin d’ambiance pendant toute cette relecture), le récit va continuer en accéléré 80% du temps sans installer comme il faut ses bases historiques, ses personnages ou son contexte. On comprend juste que Vortigern a la haine contre les mages et veut régner en roi pour faire sa purge et dominer le monde. Vortigern campé par un Jude Law tourné en ridicule et sans inspiration niveau performance, et qui ressemble bien plus à une version du pauvre de Stannis Baratheon... enfin, Stannis avec la profondeur en moins, la bêtise hilarante en plus. On ne voit jamais ses relations avec Uther Pendragon ni avec sa femme ou ses filles, on ne ressent donc aucun impact quant à ses choix et ses dilemmes (dilemmes débile d’ailleurs, il suffirait juste qu’on lui explique gentiment que les mages ne sont pas tous comme Mordred), et ce n’est que le commencement mesdames et messieurs, oh que oui !
Vouloir raconter la légende d’Arthur à sa sauce et son style, je suis pour. Et, à la base voir un Arthur dans la crasse et le milieu de la débauche, c’était pas une idée de merde. Mais sur-découper l’image et monter l’enfance d’Arthur jusqu’à l’âge mûr avec sa coupe de beau blond musclé, et sans s’intéresser aux liens qu’il entretien avec les prostitués et sa petite bande d’escroc au bon cœur (une bande de faire valoir d'ailleurs), je ne veux pas. Surtout si au final on n’arrive jamais à ressentir quelque chose pour Arthur ou ses amis. Ritchie appuie juste lourdement avec la puissance d’une patte pachydermique à quel point il a escroqué tant de monde et qu’il tient à ses chères prostitués. Ça aurait eu autant de sens de nous montrer ça avec la chanson Un curé de campagne en fond… surtout si ça nous épargne la musique horriblement bruyante et flingueuse de Daniel Pemberton.
Même lui qui avait fait un travail honorable sur Steve Jobs et Code U.N.C.L.E fout n’importe quoi. Les moments qui sont censés être symbolique et déjà pourri par l’esthétisation de Ritchie le sont encore plus à chaque fois qu’il tape du tambour ou qu’il force sur son instrumentation bordélique au possible. A peine entrevoit-on un semblant de ton médiéval qui aurait pu être la bienvenue, mais non, il faudra repasser.
On suit un déroulement qui n’a ni âme ni ton et dont les événements s’enchaînent beaucoup trop vite avec son lot de repompe absolument grotesque et placés n’importe comment. Parce que oui : le film réussit non seulement à copier les trois films de la trilogie du Seigneur des anneaux en piochant dans chacun d’eux (même l’avenir funeste des Hobbits est plagié… Guy, honte à toi), mais aussi l’idée de la bande de Robin des bois une fois Arthur sauvé par Mage et Sir Bedivere (pourquoi celle de Ridley Scott me paraît bien moins fade tout d’un coup ?), le ton sombre et noir d’un Game of Thrones d’où la trahison de Vortigern (sans oublier la présence d’Aidan Gillen, alias Littlefinger dans la série), une ascendante d'Ursula dans La Petite Sirène (non mais sérieusement : l’hermaphrodite et ses deux demoiselle à tentacule n’ont rien à faire dans une relecture Arthurien, même pour un délire propre à son réalisateur) ou même un petit brin de Harry Potter et la Chambre des Secrets.
Même les têtes d’affiches n’ont rien à leur disposition pour rattraper l’échec qu’est la technique en roue libre de Ritchie. Pas même Charlie Hunnam, trop propre pour un enfant adopté par des prostitués, ou Djimon Hounsou transparent une fois de plus. Mention spéciale à Àstrid Bergès-Frisbey dans le rôle de la mage à la personnalité unidimensionnel qui consiste juste à balancer des phrases pseudo-mystique avec une seule expression faciale. Je ne me souvenais même pas qu’elle était à l’affiche de Pirates des Caraïbes : La fontaine de Jouvence.
La catastrophe en est à tel point que les scènes qui devraient avoir de l’importance n’ont plus le moindre impact et s'oublie durant le visionnage. Le meilleur exemple étant le voyage d’Arthur dans cet espèce de monde sous-terrain de la pensée ou Ritchie découpe en 3 ou 4 segments (difficile de vraiment savoir) : un coup on passe du dialogue entre Belivere et la Mage, un coup sur le voyage jusqu’à l’île, un coup autour des Dolmen et dans l’outre-monde ou est envoyé Arthur sans aucune cohérence avec le montage des images. Dans une narration classique et bien faite, Arthur devrait être confronté au traumatisme qu’a été la mort de son père à travers les épreuves et souffrances qu’il vit dans cette espèce de monde mystique à bestiaire légendaire. Là, on a juste l’impression de voir un clip dans lequel il manque la chanson… que dis-je ? Une chanson chanté par Ritchie et accéléré 10 fois pour coller au rythme du récit avec le tintamarre de Pemberton en fond, sinon ça serait pas drôle.
Et au bout d’une heure et demi, arrive enfin le grand climax du film, passage tellement grotesque dans le fond et la forme qu’il m’est difficile de ne pas en parler : on a le droit à Nagini qui fout le bordel au château de Vortigern (qui a été assez con pour relâcher la mage au lieu du copain d’Arthur qu’il avait, sachant qu'il n'avait pas qu'1 otage : PAS 1… 2) et dés qu’Arthur reprend possession d’Excalibur et combat les culottes noires… on assiste à un grand final de jeu vidéo PS3, voilà y’a vraiment rien d’autre à dire. Les perspectives de vue, les gros plan outrancier, les mouvements de caméra et les ralentis dégueulasse entre chaque action sans découpage de l’image rendant les CGI voyant et ignoble à l’œil, et ce duel final à la profondeur illusoire contre le boss final d’un jeu vidéo qui aurait plus sa place dans un Skyrim, God of War ou Darksoul… une fois arrivé là, autant donner une manette à ton public et lui demander de jouer au film tant que tu y es.
Rien de flagrant à ce qu’il se fasse latter les miches par la critique et qu’il bide férocement à travers le monde et aux USA. Autant les films comme Un jour dans la vie de Billy Lynn, The Lost City of Z et Silence qui ne parviennent pas à se faire une place à côté des gros mastodontes blockbusteresque, je les défends volontiers. Mais un travail torché n'importe comment comme celui d’un Ritchie sous l’influence de produit illicite, à moins qu’on ne me mette dans un état second, et malgré la sympathie que j’ai pour certains de ses films, il faudra trouver d’autres personnes pour en dire du bien. Un travail d’orfèvre pour ce qui est de saccager les contes Arthuriens et les mythes qui l’entourent en plus de monter tout ça comme un cochon.