Le Temps d'aimer, c'est 20 ans de vie d'un couple dans la France d'après-guerre. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que le film a soigné son entrée en matière comme sa fin : s'ouvrant sur les images coup de poing des femmes tondues à la Libération, il sait captiver immédiatement son spectateur.


Pourtant, bien que l'on ne s'ennuie pas et que l'on passe un moment agréable, il est truffé de petites imperfections qui abîment l'impression globale (attention, gros divulgâchage en vue).


Tout d'abord, le personnage de Nicolas qui apparaît subrepticement puis disparaît pour ne plus jamais réapparaître est un choix narratif bien singulier. On pourra me rétorquer que c'est une manière de faire référence pour la première fois à l'homosexualité de François, mais si c'est le cas, je suis bien candide, car comme François lui-même, je n'étais préoccupé que par la perte des documents liés à sa thèse. En parlant de cette homosexualité, on s'étonnera également du fait qu'elle soit passée sous silence, impossible à deviner pendant la moitié du film, pour devenir un des deux thèmes principaux ensuite, ainsi que l'élément déterminant du dénouement. C'est un peu perturbant, car bien qu'il ne s'agisse pas de suivre le schéma narratif à la lettre, on a un peu l'impression de suivre une histoire racontée par un enfant, avec un "ah au fait, j'ai oublié de vous dire..." pour ajouter un rebondissement imprévu.


Au-delà du scénario, j'ai eu le sentiment que quelques répliques semblaient improvisées, dispensables, lors des conversations entre François et sa fille par exemple. Lorsque je regarde un film qui s'attache à me faire revivre une époque, j'aime que le phrasé employé, les tournures de phrases soient en accord, et ici, je me suis cru au XXIe siècle - les quoicoubeh en moins.


J'ai également été un peu déçu par Vincent Lacoste qui propose un jeu sérieux, mais sans offrir pleinement la dimension dramatique de son personnage. En revanche, celui de Madeleine est très bien travaillé : on sort du poncif de la mère courage comme de celui de la marâtre. On ne parvient pas totalement à s'attacher à elle, et c'est tout sauf un défaut : elle est éminemment humaine, dans ses réactions vis-à-vis de son fils notamment, et cela fait partie des éléments qui font que le film nous accroche.


Car oui, il y a bel et bien des qualités à retenir : malgré ces dialogues peu convaincants, cette histoire, on y croit. Il y a une certaine rigueur historique qui nous rappelle que Le Temps d'aimer ne met pas simplement l'accent sur l'amour mais également sur le temps, l'époque que Katell Quilévéré se propose de nous dépeindre. Les scènes dans le bar sont plaisantes à suivre, porteuses d'une énergie infernale qu'a connue un temps... Châteauroux (qui l'aurait parié ?).


Plus encore, la musique, sublime, est l'énorme point positif de ce film. Jazz, classique, les morceaux sont composés brillamment et tout aussi bien intégrés au récit. Ils fournissent vitalité, émotion. Une émotion que l'on retrouve dans la dernière scène, de loin la plus belle du film, dans laquelle Daniel désormais jeune adulte joue extrêmement juste.

Jack_M
6
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le 26 août 2023

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Jack_M

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