Etudier comment Tarantino est devenu en moins de 2 films une icône de la culture pop est absolument passionnant. A tel point que nous fréquentons tous un pote possédant un poster de Pulp Fiction dans sa chambre, alors que le film a plus de 25 ans ! L'ami Quentin revient pour son huitième film très très attendu, comme toujours me diriez vous, mais encore plus après un succès incroyable au box-office avec Django Unchained.
Ici, Tarantino renoue avec le huis clos en conservant l'esthétique qu'il avait développée dans Django. Celui qui associe "huis clos" et "western", sous entend forcément une confrontation entre culs-terreux, et Tarantino le fait bien aisément en y apportant sa patte, son style presque iconique. Cependant, par ce style ultra-codifié, un casting récurrent (nb Samuel L. Jackson), un cadre identique à son dernier film et une thématique faisant écho à Reservoir Dogs, The Hateful Eight ne constituerait-il pas une auto-caricature du style Tarantino ?


En effet, ce huitième film semble être comme une forme de redite sur le papier. On entendrait presque les majors "Continue dans le western Quentin : ça marche bien".
Encore une fois, on retrouve une réflexion sur la traite des noirs en Amérique bien qu'ici l'action se déroule quelques temps après la Guerre de Sécession. Le nom de notre cher Samuel L. Jackson est toujours en haut de la liste de casting (eh ouais Quentin il fait tourner ses potes), et quelque part le style Tarantino porterait presque préjudice à son propre créateur qui parfois donne l'impression de ne jamais se renouveler : de l'hémoglobine, un jeu sur la symbolique simple mais efficace, des dialogues prenants qui n'ont pourtant aucune incidence sur l'avancée du film, de la musique de fou furieux et un humour noir cinglant qui vous fera grincer des dents.
Cependant, il n'en est point et malgré le fait que ce film soit du Tarantino à 300%, il est probablement une de ses oeuvres les plus abouties.


Tarantino s'entoure toujours des meilleurs, et au fil des années on commence à le savoir, de De Niro à Pitt en passant par Christophe Waltz et bien évidemment Samuel L. Jackson et Michael Madsen : les mégapotes qu'on revoit presque tous les deux films. Le casting frôle le sans-faute avec un Kurt Russel parfait, un Walton Goggins étonnant et une Jennifer Jason Leigh aussi époustouflante qu'effrayante, une composante essentielle car le huis clos replace la performance des acteurs au centre de l'intrigue. On sait combien la musique est importante dans le cinéma de Tarantino, il lui accorde une place si importante que certains morceaux sont devenus des parties indissociables du film lui-même. A noter que Tarantino, à une (fâcheuse ?) tendance à emprunter (voler ?) des morceaux parfois connus ou non, on pense bien évidemment à Misirlou de Dick Dale monument de la musique des années 60 maintenant devenu : "La musique de Pulp Fiction". Après s'être fait pillé son répertoire par l'intéressé pendant des années Ennio Morricone a enfin décidé de composer une bande originale spécialement pour le film : et elle est parfaite. C'est fou à quel point Morricone a cerné ce que voulait faire Tarantino, en effet il n'est pas du tout question de musique de western, mais de compositions bien plus réfléchies qui accompagnent le film sans le desservir.


Tout n'est pas à garder non plus, bien que le style Tarantino passe très bien avec des plans purement magnifiques et une esthétique maitrisée de bout en bout. Le scénario c'est du Tarantino, c'est tiré par les cheveux et c'est toujours la même chose mais c'est diaboliquement efficace : on est étonné à chaque fois. On appréciera cependant la rivalité entre Nordistes et Sudistes. Contrairement à Django Unchained, le gore nous fait sortir du film, il est juste question de violence purement gratuite et la sensation du danger n'est pas aussi palpable que dans les "cènes" de Django et de Inglorious Basterds. De plus, le découpage par chapitres relève plus du clin d'oeil à ses anciens films puisqu'il n'amène pas grand chose : il s'articule autour des rencontres de chacun des personnages, ainsi 4 chapitres sont distillés dans les 30 premières minutes du films, laissant le reste des 2 heures restantes à deux énormes actes.


The Hateful Eight est l'archétype du style Tarantino et c'est en ça qu'il est intéressant. Les dialogues reprennent leur place au centre du cinéma de Quentin, en renvoyant l'action au second plan. Le film pourrait alors plus s'apparenter aux premiers films du réalisateur tels que Jackie Brown ou Reservoir Dogs (évidemment), cependant ce film n'est pas un retour en arrière : Tarantino amène toute l'esthétique de Django et une direction d'acteurs aussi parfaite que dans Inglorious Basterds. The Hateful Eight s'adresserait donc à un public peut être plus connaisseur voire averti de la patte Tarantino, risquant ainsi de connaitre un moins bon succès que son prédécesseur.

LucasRod
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le 10 janv. 2016

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