On avance doucement dans cette station balnéaire chinoise, apparement plutôt vide de vie. Très justemment, les plans ressérrés ne nous permettent vraiment de comprendre ce qui passe hors du champs de vue des personnages. Il y a un parc aquatiques, des ponts et de buildings géants et un paquet d'endroit un peu glauque. Et puis une Marilyne géante. Même la scène de viol sera vue à travers deux caméras—smartphone et caméra de sécurité—sans qu'on ne puissent vraiment savoir ce qui se passe… même si on s'en doute bien. Comme de tout le reste d'ailleurs, «on s'en doute bien».
C'est cette apparente banalité, ce faux calme, qui donne toute sa force au film. Les symboles s'imposent avec une violence rare, dans l'indifférence générale. Car de la Marilyne disproportionnée, on ne verra finalement que les talons et la culotte et vaguement une perruque… portée par l'enfant violée. «Heu culotte de Marilyne = culture du viol, c'est un peu gros quand même non ?». Mais tout est si gros ici, les bâtiments, les ponts, la Marilyne, que plus rien n'étonne…La réappropriation chinoise, des symboles occidentaux, carricaturale et désenchantée, a quand même une facheuse tendance à nous remettre devant deux ou trois grosse vérités. Et Vivian Qu saisit cela avec une subtilité rare. Cette station balnéaire, c'est une peu le rêve Hollywoodien, sans le fric, ni les paillette, ni le rêve… Reste donc Weinstein qui viole des fillettes, globalement. Et en plus tout le monde s'en fout.
Se joue alors un rejet, une lutte viscérale des ces symboles et de cette condition. Pas un truc intellectualisé avec des grands discours, portée par des lectrices assidues de Simone de Beauvoir (je vous aime aussi, hein !). On parle vraiment d'instinct de survie là. La mère qui coupe les cheveux de sa fille, la fillette qui s'en prend à la cosmétique, la froide et traumatisante inspection gynécologique légale… les scènes marquantes de rebellion contre la féminité ne manquent pas. Mais se rébeller pour aller où ? Dans ces immenses villes, ces fillettes sont simplement prisonnières. Si l'échappée de «l'ange» sur son scooter volé témoigne de cette rage de lutter contre une condition imposée, on est pas dupe non plus : un scooter électrique sur une autoroute, ça va pas loin. D'ailleurs elle se fera vite doubler par la statue de Marilyne avec pour seul point de mire sa culotte…
Le film pourrait sombrer dans le pathos, le voyeurisme, le moralisme, les métaphores surfaites, les messages forcé… mais Vivian Qu est d'une rare justesse. Dans le rythme, dans le choix dans le lieux et surtout dans le choix de ce qu'elle ne montre pas…même si on s'en doute bien.