J’ai découvert ce film par hasard, en zappant un soir sur ARTE. Au vu du grain de l’image et de la colorisation de la pellicule, c’est un film qui me paraissait ancien. J’avais vu juste, puisqu’il est sorti en 1926. Pourtant, les films d’animation n’étaient pas des plus nombreux à l’époque, et peu de ces œuvres nous sont encore accessibles aujourd’hui. Et pour cause, Les Aventures du Prince Ahmed est le plus ancien long-métrage d’animation encore conservé. Lors de cette découverte fortuite, j’ai immédiatement été surpris par l’animation et la beauté du métrage, qui m’ont poussé à le découvrir dans son entièreté.
Au niveau de l’histoire, Les Aventures du Prince Ahmed est très simple, se présentant sous la forme d’un conte divisé en plusieurs actes, suivant un schéma très classique, augurant nombre de futurs films d'animation. L'intrigue est donc, de notre point vue, sans réelles surprises, avec mêmes quelques longueurs, mais ce n’est pas cela qui doit freiner notre motivation ni être principalement mis en avant. Car ce qui surprend le plus le spectateur qui découvrira le film, c’est l’imagination de la réalisatrice et les prouesses visuelles qu’il se permet de réussir.
Entièrement réalisé en papier découpé, Les Aventures du Prince Ahmed est un travail titanesque qui a nécessité trois ans et 300 000 images pour être mené à bien. Si l’animation était loin d’en être à ses premiers balbutiements, elle semble avoir déjà ici atteint une maturité impressionnante tant les effets d’animation atteignent un niveau de sophistication surprenant compte tenu du grand âge de ce film. Beaucoup de détails remarquables fourmillent dans ce long-métrage et font foi de la minutie des mains qui ont œuvré à l’aboutissement de cette merveille d’animation.
Comme je le mentionnais plus tôt, c’est bien une femme qui fut aux commandes. Lotte Reiniger se présente ici comme une véritable pionnière, et, au-delà de figurer parmi les femmes fondatrices qui ont contribué à l’évolution du cinéma, comme Alice Guy, Mary Pickford ou Lois Weber, elle montre une nouvelle fois l’immense source d’innovations que fut le cinéma allemand des années 1920. Il est intéressant de voir comment la réalisatrice innove avec ses propres techniques, et semble les adapter au cinéma expressionniste à travers certains effets visuels et le côté très fantastique du film, qui ramène à certains de ses contemporains, comme Les Nibelungen (1924) de Fritz Lang ou le Faust (1926) de Murnau.
En somme, c’est un film accessible à tous, même à celles et ceux qui ne sont pas habitués à voir des films aussi anciens. Très simple dans ses thématiques et son histoire, il permet de se concentrer surtout sur la beauté des graphismes et sur l’inventivité des personnes qui ont travaillé sur ce film. Les Aventures du Prince Ahmed est un film qui a une place toute particulière dans l’histoire du cinéma. Véritable curiosité de par son grand âge, admirable de par le travail qu’il a nécessité, c’est une œuvre empreinte de poésie et à la beauté certaine, un jalon de l’histoire du septième art, dont l’héritage perdure encore aujourd’hui.