Premier film de Claude Zidi derrière la caméra, premier film des Charlots devant, premier film du producteur Christian Fechner, c’est toute une histoire de premières, qui se solde par un fracassant succès. L’aventure des “Charlots” est lancée ainsi que le développement d’un sous-genre cinématographique à part entière : la “bidasserie”. “Quand on a vu une bidasserie, on les a toutes vues” n’est pas une phrase bateau qu’on pourrait contredire aisément, tellement la thématique va être consommée jusqu’à plus soif au cours des années 70/80, explorée, exploitée jusque dans les moindres replis nanarisants de la production bis française. Aussi, ce premier opus se révèle une pierre angulaire difficile à écarter avec désinvolture. Un film porteur a sans aucun doute des qualités qu’il faut aller détailler et mettre en lumière, juste retour des choses.


A titre personnel, et je suppose que ce titre est partagé par beaucoup de monde de ma génération, les Charlots n’ont jamais été pris très au sérieux, mais ont été l’objet d’une sérieuse affection. Ils ont bercé mon enfance, et leurs pitreries à deux francs six sous, commencées sur ce film-là ne sont pas sans effets agréables. Ils ont diverti, ils ont fait sourires des nuées d’enfants. Eux même enfants des 30 glorieuses, ils sont le bonheur incarné. De nos jours, le film peut paraître comme un OVNI : voyez comme cette bande de zozos lutte pour éviter de travailler, combien d’efforts ils concèdent pour se faire virer de leurs boulots. Une société du plein emploi a pu produire un film où s’amuser à faire de la musique et rien d’autre est la source d’un rire désormais inconcevable. De ce film qui accumule des petits gags gentillets semble se dégager une drôle d’idée, très courte finalement, celle d’une vie simple, sans réel heurt, sans angoisse non plus, sans tristesse, sans conséquence. Enfance prolongée, comme une garantie éternelle même. Les Charlots font rire les enfants parce qu’ils sont restés immatures et irréels.


Le monde des Charlots est parallèle, dans une autre dimension. Ceux qui les côtoient en acceptent plus ou moins la folie. Marion Game en joue avec autant de gentillesse que de beauté. Jacques Dufilho et Jacques Seiler en font des frais plus douloureux.


Chez les Charlots proprement dit, Gérard Rinaldi reste celui qui semble le plus à son aise dans le jeu. J’ai un petit faible pour Luis Rego, par ailleurs l’avocat du tribunal des flagrants délires de France Inter, le portugais à qui on a osé refuser la nationalité française. Luis Rego a une place dans mon coeur. Pour les trois autres, je serais moins enthousiaste.


Le film avance doucement mais surement, énumérant ses gags, en file indienne, avec un bonheur varié et mesuré. Le film clairement composé de deux parties assez distinctes parait un peu déséquilibré de fait. La première partie est plus vivante, innovante, animée par la joie de vivre, le projet musical du groupe, alors que la deuxième partie, toute militaire et qui donne son titre au film me semble plus lourde et un peu plus commune.


Dans l’ensemble, le film distille une poésie de l’humour un peu naïve, flower power, aujourd’hui très datée, mais qui n’est pas sans charme, avec ses couleurs criardes, son inventivité exagérée, à la Gaston Lagaffe et ses petits jeux enfantins où l’absurde n’est jamais trop loin. Le film se laisse regarder. Dans la série des Charlots, il y en aura de bien mauvais. Celui-là ne fait pas d’étincelles, mais n’arrache pas l’oeil non plus, restant dans un entre-deux acceptable.


Captures et trombi

Alligator
6
Écrit par

Créée

le 7 mars 2017

Critique lue 619 fois

4 j'aime

1 commentaire

Alligator

Écrit par

Critique lue 619 fois

4
1

D'autres avis sur Les Bidasses en folie

Les Bidasses en folie
Paco_Picopiedra
9

Sous les tranchées, la plage

Les mésaventures burlesques d'une bande de potes, musiciens dilettantes et un peu hippies sur les bords, dans la France Pompidolienne des années 70. Témoignage d'une époque, d'un idéal, le film est...

le 28 mai 2015

6 j'aime

1

Les Bidasses en folie
Trilaw
6

« Le pied gauche se situe du côté gauche, là où il y a le bras gauche »

Des amis veulent monter un groupe, mais ils sont appelés à faire leur service militaire.Réservé aux nostalgiques des seventies, l’humour est assurément archaïque et désuet. Le rire m’est venu...

le 19 août 2023

4 j'aime

Les Bidasses en folie
Albion
4

Cheveux longs, idées courtes.

Hier je zappais. Le dîner de cons venait de s'achever, bon gré malgré je reprenais en main la télécommande essayant de remettre un peu d'ordre à ce laisser-aller général qui m'envahit au point même...

le 11 mars 2013

4 j'aime

Du même critique

The Handmaid's Tale : La Servante écarlate
Alligator
5

Critique de The Handmaid's Tale : La Servante écarlate par Alligator

Très excité par le sujet et intrigué par le succès aux Emmy Awards, j’avais hâte de découvrir cette série. Malheureusement, je suis très déçu par la mise en scène et par la scénarisation. Assez...

le 22 nov. 2017

54 j'aime

16

Holy Motors
Alligator
3

Critique de Holy Motors par Alligator

août 2012: "Holly motors fuck!", ai-je envie de dire en sortant de la salle. Curieux : quand j'en suis sorti j'ai trouvé la rue dans la pénombre, sans un seul lampadaire réconfortant, un peu comme...

le 20 avr. 2013

53 j'aime

16

Sharp Objects
Alligator
9

Critique de Sharp Objects par Alligator

En règle générale, les œuvres se nourrissant ou bâtissant toute leur démonstration sur le pathos, l’enlisement, la plainte gémissante des protagonistes me les brisent menues. Il faut un sacré talent...

le 4 sept. 2018

50 j'aime