Deuxième volet de la "Trilogie de la vie" de Pier Paolo Pasolini, Les Contes de Canterbury est l'adaptation de quelques histoires du recueil de Geoffrey Chaucer, écrit lors de la seconde moitié du XIVe siècle.


Pour l'occasion, Pasolini a fait le déplacement en Angleterre et a sélectionné, de l'œuvre littéraire d'origine, les récits les plus grivois et les plus scatos parmi les vingt-quatre existants. Son don pour la mise en scène visuelle fait que la beauté rurale des extérieurs britanniques est très bien mise en relief et que, comme dans Le Décaméron (précédent volet de la trilogie !), la reconstitution de l'époque médiévale, colorée et enjouée, est digne de tous les éloges. Les compositions musicales folkloriques, très bien choisies par Pasolini, avec la collaboration d'Ennio Morricone, sont idéales pour plonger dans l'ambiance joyeuse de la période. Mais, c'est à peu près tout ce que je retiens de bien en ce qui concerne ce film.


La version d'origine est anglaise (c'est du moins celle que j'ai regardée pour la simple et bonne raison que l'action se passe dans la Perfide Albion, mais, j'ai jeté un œil rapidement sur la version italienne et elle n'est guère mieux !). Bon, d'ores et déjà, la postsynchronisation est, en toute honnêteté, une véritable catastrophe. Et la direction d'acteurs est à chier. Que ce soit pour les professionnels (parce qu'il y a quand même avec Hugh Griffith, Laura Betti, Tom Baker ou encore Josephine Chaplin au casting !) ou les amateurs, tout le monde garde la même expression du début jusqu'à la fin, que ce soit à travers, par exemple, une tronche d'enterrement (à l'instar de la fille Chaplin, même quand son personnage est censé être content !), un air abruti ou un sourire niais. Les expressions du visage, les postures du corps pour exprimer une émotion à un moment donné, tout ça, visiblement, Pasolini ne connaît pas. Et ce n'est pas à travers le dialogue que les comédiens peuvent se rattraper, étant donné que la postsynchronisation est toute pourrave.


Alors, en conséquence, le réalisateur peut bien raconter ce qu'il veut, il est impossible d'entrer dans les diverses histoires (traduction : je me suis fait chier comme un rat mort !). Et, question idiote, pourquoi présenter les futurs narrateurs au tout début, si on ne les voit ou ne les entend pas conter chacun leur conte durant leur pèlerinage (oui, chez Chaucer, on suit un groupe de personnes, de classes sociales et de professions différentes, se rendant ensemble sur le tombeau de Saint Thomas Becket et décidant de mieux passer le temps de leur long trajet en se racontant les fameux contes du recueil !) ? Cela sert strictement à rien. Dans ce cas, il aurait mieux fallu avoir recours à la même méthode que pour Le Décaméron, c'est-à-dire complètement supprimer toute présence des narrateurs.


Ah oui, et Ninetto Davoli fait une imitation ratée du personnage de Charlot (sans la finesse et la fluidité des mouvements ainsi la subtilité des mimiques de ce dernier !) dans l'adaptation du "Conte du Cuisinier", inachevé chez Chaucer, complété chez Pasolini.


La seule chose positive que je garde en mémoire, en dehors de l'aspect visuel et de celui musical, c'est une représentation, à la fin du long-métrage, intéressante et surprenante d'un Enfer chaotique, où le grotesque le dispute à l'horreur, avec notamment ces diables qui défèquent les nouveaux résidents.


C'est dommage qu'il n'ait pas déféqué aussi une bonne postsynchronisation et une bonne direction d'acteurs. Et que c'est la constipation pour ce qui est de donner un film solide et ne provoquant pas une forme de torpeur continue.

Plume231
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le 30 janv. 2023

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Plume231

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