La rédemption débute dans la cellule d'une prison et se conclut dans la campagne anglaise. Johnny Bannion entame son parcours en tant que gangster libidineux au désir puissant de conclure le casse, et à l'appartement jonché de tableaux et de photographies de femmes dénudées. Suzanne arrive alors dans sa vie en lui perforant le cœur, l'emportant – dans ses derniers instants – sur le chemin du repentir, son corps pénétré par les balles.


Dans Les Criminels, la prison fait office de fosse aux lions. Kelly revient dans celle-ci dans un plan général en plongé sur le bloc couvert d'une grille, dans l’euphorie des animaux, soulignant son statut non pas de prisonnier mais de nourriture pour les lions. De cette jungle carcérale, Johnny en est le roi. Ses compères l'écoute et obéissent à ses ordres. Il se trouve constamment à l'arrière plan, ayant un œil sur toutes les machinations qui se déroulent dans la prison, marquant ainsi sa domination. Ce n'est que lorsqu'il sortira de son territoire qu'il perdra en autorité. De retour en prison après la trahison de son gang, il fera face aux deux nouveaux rois dans un affrontement qu'il gagnera. La réalisation et le montage de ce combat sont une leçon pour montrer le basculement d'une situation. Au début de la séquence, la caméra se place derrière les deux hommes, encerclant alors Johnny. S’ensuivent donc des plans tailles sur ceux-ci auxquels répondent des gros plans sur le visage plein d'assurance du roi déchu. Son faciès à la détermination sans pareil couvre tout le cadre se voulant plus écrasant que la présence de deux hommes robustes. C'est alors que la caméra passera derrière Johnny mettant en évidence sa victoire avant même que le combat commence. Malgré tout, le trône qu'il a reprit est illusoire. Ce n'est plus lui le chef. Ce n'est plus celui qui gérait tout en arrière plan, ce sont dorénavant les gangsters se trouvant en hors champ qui le font. La chute du pouvoir de Johnny s'articule en trois actes distincts : Au début lorsqu'elle est sous sa poigne, la prison est ordonnée ; Ensuite, lorsqu'il rentre chez lui, son appartement est dans la pleine confusion d'une fête à son honneur qu'il ne contrôle pas ; Enfin, lorsqu'il ressortira de la prison cette fois-ci en tant que paria (à l'image de Kelly), celle-ci est complètement désordonnée, la rage des prisonniers appuyé par les caméras obliques – faisant un parallèle entre les condamnés et les flammes – qui semblent venir tout droit l'esprit malade de Pauly.


Le long métrage a une capacité incroyable de nous détacher du cadre spatio-temporel par de simples gros plans. Le cas de celui sur Pauly est le flagrant. Alors que celui-ci et Johnny discutent, la caméra s'approche de son visage via un travelling. Le celluloïd s'assombrit autour de lui, l'isolant du milieu du carcéral dans lequel il vit. Nous sommes alors dans son esprit. Joseph Losey utilise l'effet inverse au début de son film. Via des gros plans, il filme une partie de poker avant de révéler via un dézoome que les trois personnes qui jouent sont en fait des prisonniers. Débuter le métrage par du poker est tout aussi judicieux car le gang de Johnny va lui mentir puis le trahir. Les gros plans sont alors utilisés dans cette partie pour dessiner les expressions faciales des personnages et y cerner les faux semblants. Ce procédé sera aussi adopté pour y installer une sorte d'intimité. Au parloir, Johnny et Suzanne se parle au milieu de deux gardes. Le gros plan va intervenir pour lier les deux amoureux, effaçant de facto les autres présences humaines.

Bien que la réalisation soit inventive tout le long du film, les séquences à l’extérieur forment un véritable passage à vide. Elle proposent peu de choses et sont très lentes. Lente ne l'est pourtant pas le casse qui est expéditif et vide de tension. Il est dommageable de ne pas avoir eu une proposition aussi créatrice dehors qu'à l'intérieur. Joseph Losey, à l'image de Johnny Bannion, s'exprime davantage entre les murs de la prison que dans les rues londoniennes.


Les Criminels est un film honnête, au scénario certes basique, mais qui s'en sort grâce à la réalisation de Joseph Losey et au charisme de Stanley Baker qui relève à lui seul le faible niveau d'interprétation de ses collègues acteurs.

Flave
7
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le 1 févr. 2022

Critique lue 98 fois

Flave

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