20 Juin 1975: Jaws inonde les écrans US et crée une vague sans précédent: en moins de 2 mois et demi, il franchit la barre des 100M$ et devient le film le plus rentable de l'histoire (du moins, jusqu'à ce que Star Wars fasse mieux en 1977).


En Novembre 75, la pré-production de l'inévitable Jaws 2 débute.
Après le refus de Spielberg (il ne voit pas l'intérêt d'une séquelle et de plus, le tournage maritime lui a laissé de fort désagréables souvenirs), le projet reste malgré tout sur les rails.
Howard Sackler (co-scénariste non crédité sur le premier film) est chargé de pondre un script qui puisse tenir la route.
Il propose donc un traitement où il serait question de raconter les évènements dont parle Quint dans le Jaws 75 (soit le naufrage de l'USS Indianapolis, où les rescapés étaient "boulottés" au fur et à mesure par une horde de requins qui passaient dans le coin) original.


Craignant que le public soit un peu déçu de ne pas retrouver les personnages d'Amity, l'idée est rejetée.
Sackler recommença donc tout son script et de préquelle, le film devint séquelle. John Hancock fut d'ailleurs amené sur le projet par le scénariste.
Mal lui en prit car Hancock imposa Dorothy Tristan - sa femme - pour réécrire une partie de son script.


L'histoire du film nous conte donc qu'Amity est au bord de la faillite, après les évènements décrits dans le premier film.
Les commerces ont périclité et les insulaires - privés de travail, puisque plus de touristes - ont commencé à déserter l'endroit.
C'est donc les liens qui unissent le Maire Vaughn et la Mafia, qui vont permettre de réhabiliter - via construction de nouvelles résidences et attractions - la ville.
En effet, dans le roman original de Peter Benchley, il était dit que Vaughn avait reçu un financement "occulte" pour permettre à la ville d'Amity de se doter d'infrastructures aptes à rameuter les touristes.
Ce fait avait été éludé dans le Jaws 75 et le duo Hancock/Tristan pensait que cela pourrait approfondir les relations entre les personnages principaux.


C'est donc sur ces bases que le tournage commence finalement en Juin 77 (après plus de 18 mois de pré-production).
Le nouveau script n'a laissé aucune place au personnage d'Ellen Brody, mais Sid Sheinberg intervint alors: il imposa à Hancock de réintroduire la femme de Brody et de la développer suffisamment à l'écran.
Le co-producteur Darryl Zanuck y est fermement opposé, mais Lorraine Gary embarque quand même sur le navire.
Hancock est aussi très mécontent...mais il ne peut rien faire contre.
La raison?
Gary n'est autre que l'épouse de Sheinberg.
Et celui-ci est le patron d'Universal Pictures...


Au bout du premier mois de tournage, les rushes sont visionnés par Universal et reçoivent des avis négatifs.
Le ton général de ces scènes - incluant l'arc narratif d'avec la Mafia - est bien trop sombre aux yeux des exécutifs du studio, qui voient d'un mauvais œil le côté "thriller" prendre le pas sur l'action distrayante.
La goutte d'eau qui fera déborder le vase viendra d'un renvoi à priori anodin: Hancock n'est pas satisfait d'une actrice et l'envoie paître.
Mauvaise pioche: celle-ci était acoquinée avec un décisionnaire du studio !


Sheinberg signifie alors au couple Hancock/Tristan d'aller croiser dans d'autres eaux plus limpides...


Verna Fields - monteuse du Jaws 75 et devenue vice-présidente d'Universal Pictures - et Joe Alves - production designer et réalisateur seconde équipe (non crédité) sur Jaws 75 - se proposent de co-réaliser le film.
Mais la toute puissante DGA (Guilde des Réalisateurs) refuse net, vu que ceux-ci n'y sont pas affiliés.


Enter le Frenchie Jeannot Szwarc.


Réalisateur n'ayant eu qu'un succès d'estime avec le méconnu Bug, Szwarc propose donc d'alléger le ton global du film et il y sera aidé par le nouveau scénariste Carl Gottlieb (déjà à l’œuvre sur le premier épisode, en tant que script-doctor).
Szwarc - conscient que l'effet de surprise n'est plus de mise - décide aussi que le requin sera plus visible dans ce second épisode.


Quant à Roy Scheider, il a précipitamment quitté le tournage du Deer Hunter de Cimino, à cause des fameux "différends artistiques".
Étant sous contrat avec Universal, on lui "offre" de reprendre le rôle du Chef Brody.
Bien que ça ne l'enchante guère, le voilà à bord de Jaws 2...et sa relation avec le réalisateur sera exécrable, comme tout le monde le sait.
On retrouve Murray Hamilton (le Maire Vaughn) qui tourna toutes ses scènes en quelques jours, pour aller au chevet de sa femme mourante.
Y apparait aussi Jeffrey Kramer (Brigadier Hendricks, présent dans le premier film) et un débutant du nom de Keith Gordon (Arnie dans John Carpenter's Christine, puis réalisateur TV -entre autre- pour Fargo).


Malgré tout, le tournage se termine mais la version montrée au studio risque d'écoper d'un classement "R" (soit Restricted Under 17, donc interdit aux mineurs non accompagnés), au vu des nombreuses victimes du requin.
Le métrage est donc adouci (moins de morts, plus de joie) et reçoit le plus commercial classement "PG" (soit Parental Guidance suggested, induisant que les mineurs ont été autorisés par leurs parents à aller voir le film tout seuls, donc l'ancêtre du PG-13).


Jaws 2 engrangera beaucoup de billets verts (77M$ pour 20 M$ de budget), ce qui est moins que l'original mais reste très honorable pour une séquelle (il fut d'ailleurs classé comme l'un des plus rentables en son temps).


Alors, qu'en est-il du film, me direz-vous...


Si l'on excepte quelques scories comme:
- Quint qui n'est pas mentionné une fois dans le film,
- la peur atavique de l'eau de Brody est moins prégnante que dans l'original,
- la quasi-inutilité d'Ellen Brody dans le déroulement de l'histoire (merci Sid...),
- plus d'effet de surprise,
- les scènes coupées (Brody prenant un malin plaisir à verbaliser Petersen, le Boss - trop - entreprenant de sa femme, le requin qui s'acharne sur le pilote de l'hélicoptère submergé...) qui auraient dû rester dans le métrage,
- le score de Williams bien trop anecdotique,
- la gueule du requin qui se plie verticalement dans la scène où Mike Brody est remonté dans l'un des bateaux..., ce Jaws 2 reste encore honorable quant à son potentiel divertissant.


Quelques scènes restent très chouettes:
- la jalousie de Brody envers Petersen (celui-ci s'évertue à appeler Ellen Brody "honey")
- le "yo-yo" humain avec son parachute ascensionnel, possible victime du requin qui patrouille sous la surface,
- la scène où le requin reçoit son "marquage" quand le hors-bord explose,
- Brody qui tire sur un banc de poisson et par la même, se discréditant aux yeux de la population,
- le sauvetage/naufrage de l'hélicoptère,
- le radeau de fortune des jeunes et les attaques à répétition du requin...


On reste donc en terrain connu et ce Jaws 2 mérite bien son titre.


On est loin du très vilain/insipide/opportuniste/hors-sujet du Jaws 3D et de l'insensé Jaw's Revenge (qui a quand même le mérite de proposer une B.O très chouette, en recréant/modernisant le thème de Williams).


Pour finir, je me suis penché sur un montage alternatif de ce Jaws 2 et ai réintégré plus de 4 minutes de scènes coupées, tout en enlevant 6 minutes du métrage original.
Ce qui donne une durée de 1h54.
Le thème de l'original est réutilisé et pour le générique d'ouverture et pour le End titles.
Blah...

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le 2 juil. 2017

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The Lizard King

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