Les Écumeurs
6.1
Les Écumeurs

Film de Ray Enright (1942)

« The Spoilers » ou « Les Ecumeurs » est un western de Ray Enright, mettant en scène, entre autre, deux légendes du cinéma Hollywoodien en les personnes du "Duke" himself, John Wayne, et de la plus grande dame du très noble 7e Art, Marlene Dietrich. Adapté d’un roman de Rex Beach, le film prend place dans le cadre finalement assez rare de la ruée vers l’or de l’Alaska de la fin du XIXe siècle.


Nous sommes à Nome, charmante petite bourgade littorale de la glaciale province, où les températures peuvent aisément descendre sous les moins vingt degrés lors de la saison hivernale. Un bateau effectue la liaison avec la grande ville de Seattle, dans l’état de Washington, mais le trajet est long – au moins trois mois. En dehors de cela, le patelin, majoritairement peuplé de prospecteurs, est laissé en autarcie, à l’exception de quelques échanges avec les Inuits.


L’or est la source de toutes les discordes – surtout lorsque nulle loi n’existe pour cadrer l’exploitation minière effrénée. Les prospecteurs obéissent à une règle très simple : le premier à avoir découvert un filon et jalonné son terrain possède la terre. Néanmoins, cet état des choses se voit bouleversé par les forces de la loi, qui voient ces arrangements d’un mauvais œil. Certains tentent d’en profiter, jouant avec les codes pour s’emparer – semble-t-il sous le coup de l’autorité – de cairns sur lesquels ils n’ont aucun droit. Ce sont les "claim-jumpers", des mineurs malhonnêtes qui constituent le fléau de la région.


Dans l’optique de garantir un certain ordre dans la petite ville, le commissaire aux affaires minières Alex McNamarra fait venir de Seattle le juge Horace Stillman. Tous les mineurs devront se soumettre aux décisions du tribunal ainsi composé… y compris le leader local, Roy Glennister, un ours d’homme qui détient la plus riche concession.


Petit western assez peu connu, le film d’Enright possède pourtant une atmosphère particulière, un scénario original et bien construit, et des personnages intéressants. Tourné en noir et blanc en décors réels dans des parcs nationaux californiens, il bénéficie d’une photographie correcte. On pourra toutefois regretter le déséquilibre entre scènes d’intérieurs – trop nombreuses – et extérieurs, qui auraient pu offrir une valeur ajoutée au film. On ne retrouve donc pas ces grandes étendues enneigées ou ces gouffres béants qui font notamment le sel d’un « Gold Rush ».


La véritable force du film, c’est l’intrigue, bien ficelée, qu’il propose.
Centrée sur un petit nombre de personnages, elle oppose des truands aux méthodes bien rouées à un petit groupe déterminé, et soulève des questions intéressantes. Tout n’est pas blanc ou noir, l’on s’interroge sur la force de la loi, tout en se demandant si celle du revolver – souvent mise en avant dans les westerns – est bien la meilleure.


Son déroulement est néanmoins classique, et si le film est un succès, c’est grâce à son casting de personnages.
Evidemment, lorsque l’on peut s’enorgueillir de têtes d’affiche aussi prestigieuses que John Wayne et Marlene Dietrich, l’on part toujours avec un avantage certain. Au passage, c’est assez fou de constater qu’à l’époque – le bien nommé âge d’or d’Hollywood – même le moindre film mineur se paye souvent le luxe d’une ou deux légendes du cinéma. Des films avec Meryl Streep et De Niro, ça ne court pas les rues, aujourd’hui…


L’on joue ici sur l’opposition des figures masculines. Tout d’abord, celle de Wayne et Randolph Scott ; physiquement, ce sont deux solides gaillards très similaires – presque des frères. Toute la différence se situe dans l’apparence et le paraître. Là où l’un est intègre et bon, sous des dehors rudes et francs, l’autre n’est qu’un voyou patenté qui se donne des grands airs en se dissimulant sous un beau costume et un sourire malhonnête.


Tout au long du film, le réalisateur joue sur ces duels d’hommes. Tantôt Wayne et Scott, tantôt Wayne et Carey, partenaires que tout oppose : âge, taille, caractère… mais néanmoins liés par une indéfectible amitié. Citons également Richard Barthelmess – qui tournait d’ailleurs son dernier film – qui, avec sa drôle de figure, hérite à nouveau d’un rôle très ambigu, en proie à des tourments intérieurs, mais obtenant finalement sa rédemption (si cela vous évoque « Only Angels Have Wings », ce n’est pas anormal).


Evidemment, tous ces messieurs ne peuvent graviter qu’autour d’une femme, et, quelle femme ! Impériale dans ses riches atours, Cherry Malotte est la patronne du saloon, et, de fait, la reine de la ville. Aussi entreprenante qu’indépendante, elle n’est pas femme à s’en laisser compter, et mène sa barque comme elle l’entend. Délicieuse, à quarante ans bien tassés, le belle Marlene livre une prestation honorable, gratifiant son auditoire du langage sucré dont elle a le secret.


« Les Ecumeurs » est un western mineur – si tant est qu’un film avec John Wayne et Marlene Dietrich puisse l’être – possédant une intrigue intéressante, un scénario solide, et un cadre original. S’offrant un casting trois étoiles, il ravira les amateurs du genre, et achèvera de convaincre les plus circonspects avec l’une des plus mémorables bagarres de saloon de tous les temps.

Aramis
7
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le 8 déc. 2015

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Aramis

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