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Lorsque Hollywood inspire Hollywood, ça donne souvent des films étonnants comme Sunset Boulevard de Wilder ou The Big Knife d'Aldrich. Vincente Minnelli semble suivre la même mouvance lorsqu'il délaisse l'univers gai et léger de la comédie musicale pour réaliser The Bad and the Beautiful, film hommage au cinéma des années 30 & 40 mais également charge sans appel contre les studios hollywoodiens qui imposent leur loi et leur cynisme dans les années 50. Pour Minnelli, c'est comme si une cassure s'était produite après la guerre, bouleversant les opinions et les mentalités, et dont la principale victime serait ce cinéma qu'il aimait tant, cet univers en pleine ébullition, naïf et passionné, qui dorénavant n'existe plus. Qui a commis ce crime ? Les studios semblent nous dire Minnelli... en tout cas l'enquête est lancée !

Ainsi, le cinéaste s'inspire aussi bien de l'univers du polar que de la comédie de mœurs pour sonder l'univers d'Hollywood, faire sauter le vernis qui sied si bien à cette industrie et nous dévoiler une réalité qui nous ait habituellement dissimulée : celle des coulisses. Il se glisse d'une certaine manière dans les souliers de Mankiewicz en adoptant à son tour une ironie mordante et en s'appropriant le procédé du flash-back. À partir d'un scénario brillant, il va nous brosser le portrait d'un producteur de cinéma à travers le regard de ceux qui l'ont côtoyé : un scénariste, une starlette et un metteur en scène. Le spectateur n'aura alors qu'une vision morcelée de cet individu et il lui faudra rassembler les différentes pièces du puzzle pour se faire une opinion sur le mystérieux Jonathan Shields ; et peut-être alors se prononcer sur sa culpabilité : "Guilty or not Guilty" ?

Sur un schéma semblable à celui que proposera The Barefoot Contessa, le récit va se subdiviser en trois actes, permettant à Minnelli d'explorer successivement les différentes facettes d'Hollywood. On a tout d'abord le star-système, principe aussi merveilleux qu'impitoyable qui glorifie aussi vite des vedettes qu'il peut les détruire. Puis on a la création artistique, c'est ce qui faisait la force du cinéma dans sa genèse mais qui dorénavant doit se plier aux contraintes pécuniaires des studios. L'argent vient s'immiscer dans la création comme le ver dans la pomme, favorisant les intérêts personnels et mettant à mal l'amitié ou les relations amoureuses. Mais si Minnelli décrit avec fermeté le cynisme régnant dans ce milieu, sa démonstration devient brillante lorsqu'il nous montre que ces trois personnages, même s'ils ont été trahi ou manipulé par Shields, savent qu'ils lui doivent aussi leur succès. La dernière scène où ils sortent de l'ombre pour se rapprocher symboliquement de Shields est une superbe représentation de cet intense désir de succès qui consume chaque acteur de ce système et qui est le moteur d'Hollywood. Le succès, la gloire, l'argent, l'homme est prêt à tout pour l'obtenir : "The Bad and the Beautiful"

Au-delà de l'éloquence du film, on ne peut que saluer la direction d'acteur du cinéaste qui, une nouvelle fois, tire le meilleur de ses troupes. Kirk Douglas donne une épaisseur remarquable à un personnage a priori fort détestable. Et pourtant, on ne voit jamais Shields comme un être foncièrement mauvais, le portrait est nuancé par la mise en scène employée mais aussi par le jeu de Douglas qui sait exploiter les différentes facettes de son personnage. Le reste de la distribution ( Lana Turner, Walter Pidgeon, Barry Sullivan ou Dick Powell) se hisse au même niveau d'excellence.

Dommage que le film perde de sa vitalité et de son mordant avec le passage à la romance ; pour le reste The Bad and the Beautiful reste l'une des plus belles réussites de Minnelli : à la fois hommage et critique envers un monde qui n'a pas fini de faire fantasmer.


Créée

le 9 févr. 2023

Critique lue 60 fois

8 j'aime

Procol Harum

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8

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