Le soutien légitime que j'ai apporté d'instinct, comme bien d'autres, à Viel chassé de Cannes pour cause de déviance idéologique ne se confond pas avec l'admiration béate de ce film pour le principe. On enfonce ici des portes ouvertes. Et on suggère bien des conneries au motif de la "réinformation" des jeunes générations. On n'en raconte pas plus qu'en face, c'est d'accord. Plutôt moins. Mais il y a un bon gros paquet de mauvaise foi. Oui, les filles de la noblesse étaient plus libres sous l'Ancien Régime - et pas seulement "au Moyen Âge", si cela veut seulement dire positivement quelque chose - que les bourgeoises sous la Troisième République. Elles pouvaient gouverner des empires ou librement se consacrer à l'art (hélas! malgré bien des siècles, l'histoire n'a pas retenu de contribution notable à la littérature, à la musique ou à la peinture: est-ce vraiment la faute des bonshommes?).
Donc jusque là, ça va. Mais les 90% restant... Je souhaiterais, pour lui faire plaisir évidemment, que toute roturière admirative de ce film, bien confortablement vautrée dans son canapé à s'empiffrer de petits-fours devant la télévision et chauffée à bloc en plein hiver, retourne aussi sec vivre dans une hutte en merde au coeur du Berry en 1221, pour y bouffer des racines et grelotter dans la vermine. Va chercher du bois, femme! Ou il t'en cuira! M'étonnerait que ça se conjugue idéalement avec le féminisme soft des bobotes parisiennes cathos-tradis. Car il ne faut pas oublier une chose capitale: quatre-vingt-dix pour cent de la population était rurale et réduite au servage (on dirait aujourd'hui: des esclaves). Elle n'avait pas son mot à dire. Juste à bosser, à obéir, à subir et à crever de faim et de froid les mauvaises années. Et les femmes, là-dedans... très peu des princesses, hein.
Note intercalaire pour les connards analphabètes illuminés qui sont des illettrés historiques ayant trop écouté leur gourou à QI de moule sur Youtube: ce que je viens d'écrire fait consensus ABSOLU, même chez les historiens d'"extrême-droite" (pourvu que ceux-ci soient universitaires et non des tocards autoproclamés), et n'est pas un discours "marxiste" sur le prétendu "Moyen Âge" (le MA n'a jamais existé, ce n'est pas un concept positif, c'est juste l'écart de 1000 ans entre l'Antiquité gréco-romaine et la Renaissance; il n'y a aucune homogénéité identifiante du "MA" en tant que tel).
Bref: lutter contre le politiquement correct, OK. Réviser des tripotages idéologiques élaborés par l'Etat républicain pour assurer la domination de l'élite capitaliste issue de 1789 (invention à rebours des prétendues "Lumières", mise au point du concept antagoniste de "féodalité", etc.), d'accord. Mais tomber dans un anacréontisme culcul, non plus, merci. Ceci étant, film sympa pour les mômes. Sans plus.