D'un exercice casse-gueule tenant aussi bien du one-man show que de la psychanalyse, le comédien Guillaume Gallienne tirait une petite merveille d'écriture, un moment de pure émotion aussi tendre que drôle, plus d'une fois troublant dans ce qu'il laissait entrevoir de la personnalité de son auteur. Quelques années plus tard, Gallienne profite de sa première expérience en tant que cinéaste pour adapter son spectacle sur grand écran.

Précédé d'une réputation plus que flatteuse (donc dangereuse pour l'appréciation du spectateur, facilement enclin à la déception), "Les garçons et Guillaume, à table !" balaie d'un simple geste de la main toutes les appréhensions que l'on pouvait avoir à l'annonce d'un tel exercice, et ce dès les premiers instants. Jouant magistralement avec la frontière parfois ténue entre fiction et réalité, fracassant la barrière qui le sépare de son public, Guillaume Gallienne parvient à éviter tous les pièges de l'adaptation, alors même qu'il reprend le texte original quasiment au mot prêt.

Si l'effet de surprise est bien entendu atténué pour qui aura vu la pièce de théâtre, Gallienne conserve heureusement toute la substance du matériau initial, tout en le modelant au média qu'il utilise, transformant une oeuvre figée en véritable objet cinématographique par la grâce d'une mise en scène étonnante de maîtrise pour une première fois, imaginative et mûrement réfléchie, les images s'accouplant avec l'écrit dans une symbiose parfaite, quand ce n'est pas le son qui s'invite à la fête, comme le démontre l'utilisation fabuleuse du "Don't leave me now" de Supertramp.

Quête identitaire d'une fillette ignorant qu'elle est un garçon, d'un homme qui aimait les femmes par-dessus tout, "Les garçons et Guillaume, à table !" est une fantaisie incroyablement touchante et émouvante, finalement plus universelle que narcissique, les confidences d'un artiste plus complexe qu'il n'y parait et qui donne ici le meilleur de lui-même dans un double rôle difficile, offrant à toutes les femmes, à toutes les mères, la plus belle des déclarations.

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le 24 mars 2014

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Gand-Alf

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