Ce titre énigmatique qui fait jazzer nos synapses lorsqu'on lance le film prend tout son sens au moment où le rideau final tombe sous le poids de la mélancolie qui l'accable. Avec Les gens de la pluie, Francis Ford Coppola filme une tranche de vie instable que se partagent trois personnages cherchant leurs marques dans une société qui n'est plus faite pour eux. Qu'ils soient en déphasage avec la vie qu'on leur a choisie ou marqués par le destin importe peu, c'est dans l'errance vers une utopique place qui les ferait exister qu'ils tentent tous de trouver réponse à leurs interrogations.

Coppola assume son propos délicat en lui associant une réalisation subtile afin de mettre en valeur les personnages et leurs sentiments. Et quand il se sent désireux d'apporter à ses images son célèbre coup d'oeil, c'est à l'occasion de jeux de miroirs finement réfléchis, qui apportent à la séquence dans laquelle ils s'inscrivent un réel intérêt. Comme cette première nuit que partagent Nathalie et Killer qui nous est dépeinte par l'intermédiaire de leurs reflets se découvrant avec une maladresse attendrissante. Une séquence magique, portée avec une belle sensibilité par un duo d'acteurs en pleine harmonie. James Caan est troublant, à l'opposé des rôles qu'on lui associe généralement et Shirley Knight possède cette fragilité naturelle qui lui permet de conjuguer sans sourciller méchanceté maladroite et compassion maternelle.

Les gens de la pluie est un moment qui prend à la gorge, dans son final notamment, complètement désespéré parce qu'il semble inévitable. Comme si dès le début du film, on savait qu'il n'y avait aucun échappatoire possible à ces âmes perdues qui déambulent dans le cadre. Le propos de Coppola est amer mais plausible, suffisamment pour que son histoire ne sombre pas dans un misérabilisme malvenu. En s'évitant la fable moralisatrice, en se limitant à filmer ses personnages sans porter sur eux un regard critique, Coppola donne à son film un côté intimiste touchant qui nous poursuit après la séance. Une jolie découverte que je vous encourage à provoquer si vous êtes un tant soit peu amateur du Maître.
oso
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le 17 juin 2014

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