J'ai cru comprendre que dans la filmographie de Louis de Funès "Les grandes vacances" ferait partie des vilains petits canards. J'espère avoir mal compris ; c'est une affaire entendue que je me fais parfois des histoires je ne sais comment. Si ce film là est mal aimé par les aficionados defunésiens, je me demande bien pourquoi.


Oh, je peux trouver sans doute que certains comédiens parmi les jeunes qui entourent de Funès ne sont pas très bons, à commencer par Martine Kelly. Est-elle mauvaise ou bien le scénario pondu par Jacques Vilfrid et Jean Girault lui livre-t-il un personnage tarte?


L'image de la jeunesse que véhicule ce film est assez affligeant de mièvrerie. A tel point que cela en devient presque drôle, manière nanar, voyez? Le film sort en 1967 et on comprend en voyant ce film que la jeunesse soit sortie dans la rue chercher la plage sous les pavets.


Oui, Les grandes vacances, comme Oscar du reste, est un film terriblement vieillot, aveugle face à la réalité de son époque, mais étrangement son côté arriéré ne dérange pas plus qu'un discours de Pépé sur le mode "c'était mieux avant". Ses caractéristiques sont de fait attaquées de front par cette jeunesse qui fugue, qui glisse Playboy ou Rock'n Folk dans les pages d'un herbier, qui va à Olympia plutôt qu'au musée Carnavalet. Et les vieux papas autoritaires font la course pour essayer de rattraper leurs espiègles progénitures. Ils finissent par une fameuse gueule de bois. Il en sera de même pour toute la France un an plus tard.


Peu à peu l'analyse semble glisser, mais je n'irais tout de même pas jusqu'à dire que Les grandes vacances prophétisent Mai 68. La vérité qui me plaît doit être dans l'entre deux : Les grandes vacances est une comédie familiale, gentille, bâtie sur la personnalité préférée de Louis de Funès : un type dépassé par les événements. Sur cette idée maintenant si ordinaire qu'elle peut être considérée comme une recette, Jean Girault et Jacques Vilfrid écrivent une sorte d'odyssée rigolote.


Après tout, ils n'ont sûrement pas d'autres ambitions que faire le maximum d'entrées avec une vedette tellement considérable que toute autre ambition les dépasse sans doute. De ces vieux films populaires, il reste toujours quelque chose s'il y a quelque talent à pêcher. Celui de Louis de Funès est si puissant et complexe qu'il lui en faut peu pour briller à la grande époque où il pète encore la forme. Alors, rendons au moins cet hommage à ceux qui ont présidé à la production de tels films : ils ont permis de mettre en valeur en toute liberté le génie de ce gigantesque comédien.


Certes, le scénario n'est pas des plus équilibrés. On a une grande première partie où l'anglaise débarque et affole tout le monde, à commencer par l'austère ibère. Un peu longue, elle a le mérite de bien présenter les personnages. La deuxième partie est la plus mouvementée. De Funès suit cette récalcitrante jeunesse le long de la Seine avec des séquences épiques et drôles. C'est de loin la plus fofolle, la plus amusante partie. J'aime surtout l'épisode Groote Lulu. Enfin, on a droit à un voyage écossais qui plaît davantage aux bambins, partie enlevée, plus courte, dynamique et romantique, mais que je trouve peut-être un peu trop excessive dans ses effets, sans être non plus désagréable.


Le plus gros défaut de ce film reste sa triste et scandaleuse sous-exploitation de Claude Gensac que j'aime et chéris. Les deux ou trois scènes où elle masse l'ibère nerveux ne suffisent pas à mon bonheur. J'aime le petit gimmick avec Mario David également, et la tête pour le moins déconfite de Maurice Risch devant les excentricités culinaires britanniques de l'époque.


Sinon le film manque de matière, de seconds rôles flamboyants. Ferdy Mayne m'a tout l'air sympathique, mais pas la chanson : cela ne suffit pas à en faire un personnage marquant. Le film repose donc essentiellement sur Louis de Funès.


Malgré tous ces petits défauts, Les grandes vacances reste un bon souvenir, celui d'un agréable divertissement pour l'enfant que j'étais, pour qui la présence de Louis de Funèes était une espèce de garantie d'évasion, de chaleur, de rire, de beaucoup de couleurs. Aujourd'hui, si ce goût là s'est forcément altéré avec l'âge, il n'en demeure pas moins vrai qu'il est toujours vivant, palpitant. Moins intense, mais toujours présent.


http://alligatographe.blogspot.fr/2016/02/les-grandes-vacances-de-funes.html

Alligator
7
Écrit par

Créée

le 1 févr. 2016

Critique lue 1.7K fois

10 j'aime

3 commentaires

Alligator

Écrit par

Critique lue 1.7K fois

10
3

D'autres avis sur Les Grandes Vacances

Les Grandes Vacances
Play-It-Again-Seb
8

Des vacances en première classe

Voilà certainement un de mes de Funès préférés alors qu'il est globalement mal aimé et durement jugé. En dépit de quelques relâchements pointés ici ou là, notamment sur la fin, Les Grandes Vacances...

Par

le 26 oct. 2021

10 j'aime

6

Les Grandes Vacances
Alligator
7

Critique de Les Grandes Vacances par Alligator

J'ai cru comprendre que dans la filmographie de Louis de Funès "Les grandes vacances" ferait partie des vilains petits canards. J'espère avoir mal compris ; c'est une affaire entendue que je me fais...

le 1 févr. 2016

10 j'aime

3

Les Grandes Vacances
mothersmoker
9

Les grandes vacances, un grand du rire !

Et bien, je dois avouer que je suis loin d'être déçue par ce film, voire même agréablement surprise. Louis de Funès est sans doutes aucuns mon acteur préféré, et cela faisait quelques années que je...

le 15 mai 2012

7 j'aime

1

Du même critique

The Handmaid's Tale : La Servante écarlate
Alligator
5

Critique de The Handmaid's Tale : La Servante écarlate par Alligator

Très excité par le sujet et intrigué par le succès aux Emmy Awards, j’avais hâte de découvrir cette série. Malheureusement, je suis très déçu par la mise en scène et par la scénarisation. Assez...

le 22 nov. 2017

54 j'aime

16

Holy Motors
Alligator
3

Critique de Holy Motors par Alligator

août 2012: "Holly motors fuck!", ai-je envie de dire en sortant de la salle. Curieux : quand j'en suis sorti j'ai trouvé la rue dans la pénombre, sans un seul lampadaire réconfortant, un peu comme...

le 20 avr. 2013

53 j'aime

16

Sharp Objects
Alligator
9

Critique de Sharp Objects par Alligator

En règle générale, les œuvres se nourrissant ou bâtissant toute leur démonstration sur le pathos, l’enlisement, la plainte gémissante des protagonistes me les brisent menues. Il faut un sacré talent...

le 4 sept. 2018

50 j'aime