(Critique avec spoils)
Bon,
Avant de passer à la critique en elle même, je me permets un petit préambule afin de situer un peu le contexte. Je suis gendarme, j'apprécie mon corps de métier sans être pour autant un partisan pro-flic, si j'ai mes positions politiques (plutôt à gauche en règle générale) je ne suis en rien un militant politique. Je me contente juste de quelques discussions avec des potes/famille et, quand je me sens fifou, d'éventuels retweets audacieux. mais ça s'arrête ici. Je n'apprécie pas le militantisme en règle générale, j'ai conscience que je devrai nuancer ce point afin d'éviter d'émettre un avis grossier mais ce n'est pas vraiment le sujet de la critique et je ne tient pas non plus à passer 6h à écrire cette critique. Pour faire court, le militantisme m'agace quand il perd toute bienveillance (ou pire encore, la bienveillance sélective), quand il se fait l'apanage de la mauvaise foie où la réalité est vue par le prisme de l'idéologie et non l'inverse, le militantisme me gonfle lorsqu'il pose des œillères rendant le monde binaire. Bref, je viens d'essayer de faire un petit condensé de ce qui me gonfle chez le militantisme mais le sujet mériterai qu'on s'y attarde réellement, je me contente alors de quelques phrases génériques ici, m'en voulez pas, mais j'aime à penser qu'il permet de toucher du doigt la réalité plus complexe qui me pousse à rejeter le militantisme en règle générale.
De ce fait, lorsque un ami qui a également aimé le film et qui ne porte pas les FDO (force de l'ordre) dans son cœur, me demande - innocemment ^^ - si je ne trouvais pas le film trop "propagande anti-flic ?" je me suis dis que j'allais écrire une critique (ça faisait longtemps).
Car pendant que je me posais moi même cette question, j'ai compris que ce film était très intelligent.
Car oui ce film est anti-flic, mais pas de la façon dont on le pense.
Je vais me permettre de digresser encore un peu pour détailler ce point là. "Anti flic" fait partie de ces termes passe-partout que l'on comprend tous sans vraiment prendre le temps de le définir et qui créer ou peut créer à terme des tensions.
Je dissocie "l'anti-flic" de la "haine des flics", oui je joue sur les mots mais ça me permet de m'y retrouver. De base - et malgré que ça soit mon métier - je n'ai aucun ressentiment envers ceux qui n'apprécient pas les FDO, j'aime qu'il y ai une méfiance envers les figures autoritaires (je vois ça comme une sorte de garde fou, une sonnette d'alarme quand les choses tournent mal), d'autant plus que c'est un comportement loin d'être anormal ou nouveau. Il y a eu, a et aura toujours des gens pour ne pas aimer l'autorité, et ces gens, dans le passé ont su être à la tête de mouvements qui a su faire grandir nos conditions. De plus, il y a bien des choses qui ne vont pas chez les FDO, et ce n'est pas une honte en soi. La mission des FDO est d'une complexité incroyable, de ce fait, il est normal de rater ou mal faire certaines choses, encore faut-il regarder les choses en face, encore faut-il accepter que non, les flics ne sont pas des êtres de lumières accomplissant constamment toutes leurs missions parfaitement. Se dire "pro-flic" et nier toute contestation envers les flics me donnent le même sentiment que ces parents sur-couvant leurs enfants, érigés en tant que roi et coupable de rien. En tant que gendarme, j'en croise quelques uns de ces parents et je peux vous dire que le résultat n'est jamais vraiment beau à voir ...
A contrario, certains autre adulent les flics, c'est également leur droit, et j'apprécie en un sens la capacité à savoir rester à sa place face à certaines règles de bien commun, je ne crois absolument pas aux bienfaits de l'anarchie et de ce fait, l'autorité n'est pas un principe qui me révulse si appliqué comme je le juge bon (je ne détaillerai pas ce point, déso pas déso).
Les extrêmes m'agacent au plus haut point cependant, d'un côté ça va être des gens qui se sont auto persuadés de leur propre bonté et s'arrogeant alors le droit d'être ignoble (????????), c'est ainsi qu'on a pu voir une(/des) foules scander "suicidez-vous !" à des flics, je ne reviens pas que l'on puisse se considérer dans le camp du bien lorsqu'on arrive à ce genre de mots.
Et de l'autre on va avoir des nazillons en herbe qui justifierait tous et absolument tout du monde que ça vient de l'aUtOriTé.
Encore une fois, je m'excuse de ne pas argumenter plus, comme je l'ai dis je ne suis pas un militant, de ce fait organiser et rédiger ma pensée politique est un exercice assez nouveau pour moi, d'autant plus que j'essaie (réellement) d'être assez concis. J'en reste donc toujours aux généralités dans le but juste d'exprimer ma position vis à vis de ce film.


D'ailleurs, le film, parlons en !
Transition/20


Ainsi le film est militant et anti-flic, me ne sombre pas dans la haine, la manipulation et garde toujours un œil humain dans sa façon d'aborder le sujet. Je n'ai pas vu un film qui me disait "regarde ces flics de merde" mais plutôt "regarde cette situation de merde". De cette nuance provient l'intelligence du film.
Tout d'abord on peut s'amuser à regarder les trois flics que le film nous propose, je ne vais pas m’intéresser aux personnages en eux même mais à l'idée que chacun véhicule.


Le premier, le chef, est l'archétype du flic immonde, raciste, violent, tyrannique, constamment dans le rapport de force, égoïste, bref, un sale type. Je n'ai aucun soucis à ce que ce personnage soit archétypale, car je soupçonne pas mal de scènes d'être réelles, de plus cet archétype est contrebalancés par d'autres donnant une sorte d'équilibre. Et puis il s'agit d'un film pas d'un documentaire, de ce fait l'emploi d'archétypes est valable du moment que le propos sous-jacent tient debout.


Le deuxième est un nouveau venu dans le service, il permet au spectateur de s'identifier et de se projeter dans ce qui nous est montré. On sent que c'est un bon gars mais complètement dépasser par la situation (comment lui en vouloir), forcé bon gré (très) mal gré à aller à l'encontre de ses principes. Je vois ici une force du film, l'image du flic violent vient souvent du postulat que ce sont des bêtes assoiffées de sang toussa toussa, les gens sous-estiment complètement l'impact du contexte dans l'agissement d'un flic (voir pire, se moque littéralement de la simple évocation d'un contexte). Ce film présente bien ce que peut être le stress, la peur et l'effet tunnel en intervention, et des décisions parfois stupides (et graves) qui peuvent en découler. Bien sur, toutes les "bévues" ne s'expliquent pas par le contexte, là n'est pas mon propos, certains sont réellement pourri de l'intérieur. Ce film montre également en quoi le simple bon sens peut devenir un combat (comme aller à la pharmacie acheter des pansements) et que les bonnes intentions ne suffisent pas - pour ceux qui sont sur le terrain - pour faire du bon boulot. J'ai aimé voir un peu de tout ça dans ce personnage (et certainement d'autres qui m'échappent à l'heure où j'écris ces lignes).


Le troisième représente celui qui a abandonné. Si l'on sent que le chef du trio est profondément détestable, celui-ci ne dégage pas cette impression, il semble être celui qui a accepté que "c'est comme ça que ça fonctionne" et qu'on ne peut y faire autrement. D'ailleurs, une des rares fois où on le voit seul (dans l'appartement d'une famille pour voir s'il y a un gosse) il se montre directement moins violent qu'il ne l'est quand il est avec son chef, il est même (dans cette scène) agréable. Il ne s'agit pas d'excuser ou quoi que ce soit de ce type les agissements de ce flic là, mais seulement de représenter une facette de la police s'éloignant des carcans débiles du style "ACAB vs Héros de la République". Ces trois flics sont profondément humains, tant dans les aspects positifs que les négatifs.
D'ailleurs, une scène que j'ai beaucoup apprécié, c'est quand on voit vers la fin du film, les trois flics rentrer chez eux. Le temps de cette séquence, la banalité de ce que l'on voit (rentrer chez soi, dire à sa mère qu'on a pas faim, se poser dans le canapé avec une bière, dire aux enfants d'aller au lit sans trop s’agacer ...) contraste complètement avec la violence presque absurde qu'on avait jusque là.
Ainsi, même le chef du trio, présenter comme détestable (ce qu'il est), montre un visage plus humain, la mine fatiguée, entouré de sa famille et qui doit s'occuper de ses enfants. Il ne s'agit pas là de donner un ersatz de rédemption ou quoi que ce soit, mais seulement de montrer et mettre en scène de la nuance, même minime mais qui accentue le réalisme du propos.


De plus, la cité n'est pas glorifiée dans ce film pour autant (bon, autant je suis gendarme, autant j'ai jamais vécu en cité, je serait donc plus prudent sur cette partie là). Si on sent effectivement de la bienveillance pour les habitants de la cité, le film n'idéalise pas bêtement le sujet.
Ainsi on va voir un trafiquant local qui n'hésite pas à collaborer avec les flics afin de protéger son business et ce, au détriment de ses voisins de pallier. Mais celui qui personnifie vraiment cette nuance dans la représentation de la cité, c'est le personnage du "Maire". Présenté d'abord comme quelqu'un dont la tâche est d'élever vers le haut la cité, on se rend petit à petit compte que ce gars est pourri à l'intérieur. Il extorque des commerçants (il envoie même les flics pour ça, sachant renier ses convictions quand il s'agit de son gain personnel), n'hésite pas à se moquer des retombées qu'un conflit pourrait avoir sur le quartier (toute la partie avec le lion où, ironie du sort, c'est le flic détestable qui cherche et retrouve le lion alors que Le Maire s'en foutait royalement). La scène la plus marquante concernant ce personnage c'est quand les enfants viennent le voir quand un des leur s'est pris un coup de LBD à bout portant. Il se fiche complètement de la situation sauf à partir du moment où il apprend que la scène a été filmé. Les violences qu'ont subis les enfants, notamment celui touché gravement, ont moins d'importance à ses yeux que la possibilité de faire tomber les flics qu'il n'aime pas.
Alors je ne dis pas que ce type est le mal incarné, d'autant plus qu'il fait pâme figure à côté du chef des flics, mais ça reste (dans les grandes lignes) un personnage intéressé et égocentrique. Ce n'est pas pour rien qu'il se fait également tabasser à la fin du film, c'est un personnage qui devait représenter le quartier et qui a échoué dans sa mission, sans même avoir réellement essayé.


De plus, le film se termine brillamment sur une scène de violence où les rapports de force sont inversés. Alors qu'on a vu pendant tout le film la violence des flics sous sa forme la plus crue, injuste et gratuite, la situation s'inverse subitement. La proie devient la meute et inversement.
Si dans un premier temps la scène peut donner un sentiment de satisfaction, très vite la réalité de la violence prend le pas. Ainsi, tout être normalement constitué (j'aime à le penser du moins) ne peut pas se délecter d'une violence tout aussi ignoble que vu précédemment. Cette violence est justifiée, logique même, mais en aucun cas appréciable. Les jeunes de cité sont alors vu de la même façon que BFM les voit, barbares, violents et méprisables.


Le film a le bon goût de se terminer sur une petite note de positivité, de par sa toute fin laissant penser qu'avec du temps et de la bienveillance réciproque, un semblant de résolution pourrait subvenir. En effet, le "bon" flic ayant pris soin un peu comme il pouvait la jeune victime de LBD se voit alors, par sa simple présence, faire - à minima - douter ce même jeune, leader du mouvement de révolte. la fin reste à interprétation, et c'est très bien ainsi, évitant alors une lourdeur moralisatrice.


Donc oui, ce film est anti-flic de par sa façon de dénoncer ce qui ne va pas avec certains attitudes et méthodes des flics, ce film est anti-flic par la façon dont il montre les retombées sur les habitants de la cité de cette peur personnifiée par la police.
Mais le film ne verse pas dans la haine du flic, n'hésitant pas à nuancer son propos vis à vis de la police et ne glorifie pas bêtement la cité.


Bref, cette critique est plus une diatribe de mes états d'âme qu'autre chose, je ne suis pas rompu dans l'exercice (je ne suis pas quelqu'un qui aime trop se dévoiler sur internet ...).
Bisous :)

Manza
8
Écrit par

Créée

le 29 nov. 2019

Critique lue 530 fois

1 j'aime

1 commentaire

Manza

Écrit par

Critique lue 530 fois

1
1

D'autres avis sur Les Misérables

Les Misérables
EricDebarnot
7

Lâcheté et mensonges

Ce commentaire n'a pas pour ambition de juger des qualités cinématographiques du film de Ladj Ly, qui sont loin d'être négligeables : même si l'on peut tiquer devant un certain goût pour le...

le 29 nov. 2019

204 j'aime

152

Les Misérables
guitt92
5

La haine c'était mieux avant

"Les misérables" est certes un constat d'urgence, un geste politique important qui mène à une conclusion pessimiste et sombre, beaucoup plus qu'il y a 25ans. OK. Mais je suis désolé, ce n'est pas du...

le 20 nov. 2019

124 j'aime

23

Les Misérables
Velvetman
7

La Haine

Ce n’est que le deuxième jour du Festival de Cannes 2019. Cependant, un souffle de fraîcheur surgit précocement. Les Misérables de Ladj Ly fait l’effet d’un immense coup de boutoir aussi rare que...

le 13 nov. 2019

89 j'aime

1

Du même critique

Les Pingouins de Madagascar
Manza
5

Le film qui tombe dans tous les pièges ...

J'adore les pingouins de Madagascar (les personnages j'entend). C'est typique l'humour que j'aime (que voulez vous, j'ai carburé à Bob l'éponge petit), j'adore leur dégaine, leur personnalité, leurs...

le 14 déc. 2014

27 j'aime

5

Les Animaux fantastiques
Manza
3

Le bouquin est mieux

Je parle trois plombs de Harry Potter, nan je préfère le dire pour éviter que ne me le reproche éventuellement ! Pour mieux cerner mon avis sur ce film je vais faire un petit point sur ce que je...

le 16 nov. 2016

21 j'aime

11

Panic Room
Manza
7

Bon film mais petit Fincher

Je vais commencer cette critique sur un points : - Je n'ai pas vu Millenium et Alien 3, donc si je dois parler de la filmo de Fincher ça sera bien sur en excluant ces films du jugement (bien que le...

le 24 oct. 2014

16 j'aime

3