Quand t’as qu’une pièce à mettre dans la fente, t’es toujours déçu à la fin, ...

... Même si tu ne t'en rends pas tout de suite compte.

Les mondes de Ralph (Wreck it Ralph) est le film d’animation qu’auront attendu des années durant les geeks de la première heure, ces joueurs, ces fans de comics et de mangas, mais surtout de jeux vidéo, ceux qui restaient plantés devant la télé de leurs parents assis parterre, une manette rectangulaire qui fait mal au creux des mains, résistant aux injonctions paternelles d’aller se laver les mains et de passer à table, aux désirs maternels d’enfin lever les yeux de l’écran pour découvrir le monde extérieur et s’amuser avec des bouts de bois, des cabanes et de vraies filles en chair et en os.

Du moins, c’est ce qu’ils ont cru qu’ils espéraient. Ralph, c’est le messie dont on regrette qu’il soit descendu sur terre, c’est le souhait qui, une fois réalisé, fait comprendre qu’en fait ce n’était pas vraiment ce qu’on voulait, qu’on s’est trompé de rêve, qu’on s’est trompé de souhait. On voudrait revenir en arrière, mais il est trop tard, on n’avait qu’une chance, et on l’a gâchée dans un truc inutile.

Ralph, c’est l’apparence de ce qu’un geek voulait voir : quelque chose qui le porterait, lui, aux nues, le mettrait, sans second degré, au niveau de gloire auquel il a toujours secrètement aspiré, s’estimant supérieur à ses collègues, quand bien même tout le monde se moquait de lui.

Sous ses dehors sirupeux et bariolés mélangeant les univers dans un gloubi boulga bonbon caramel qu’on accepte «pour la cause», les mondes ne sont en fait qu’un prétexte pour dérouler maladroitement une histoire un brin chiante et convenue, servie par des personnages tout juste un peu drôles.

Alors oui, on rit pas mal en fait, on se marre même et on se pince, le sourire en coin, à l’aperçu d’un univers dont on sait d’où il est tiré, on reconnaît les jeux, nos jeux, on se laisse bercer par ces couleurs et ces effets de lumière et ces petits trucs. Sur le moment on ne tient pas rigueur de tout ce qui manque, des facilités, des ficelles épaisses comme des chaînes d’ancre du scénario, on ne voit pas comme c’est creux, comme, en définitive, il n’y a de cause que la gaudriole et comme ambition que de remplir les salles avec un phénomène de mode, un truc vendeur, plus qu’une passion.

Le bon sentiment et l’humour instantané et aseptisé disputent à la nostalgie que titille une certaine frange de joueurs prétentieux l’intérêt du film. L’ensemble ne repose que sur des bases installées de sorte à permettre à tout un chacun de bien tout saisir. Et tant pis pour l’esprit, tant pis pour le film, tant pis pour le respect de ceux qu’on baise en endormant les autres. Tant pis pour l’acte manqué et pour l’inutilité. Tant pis pour la déception.