Les Ripoux est une des rares comédies à avoir été couronnées du César de meilleur film. C’est étonnant. Fut un temps où pour se dégager de la critique récurrente, véritable antienne de la cinéphilie française, que le cinéma français conchiait régulièrement le genre comique, le le monde du cinéma daignait en faire la tête de gondole en quelque sorte. C’était tellement fréquent et justifié par le fait que la comédie avait pendant des décennies permis au cinéma français de manger et surtout de survivre face à l’agressivité du cinéma américain, que pendant un certain temps, la production française a voulu marquer le coup en promouvant lors de la cérémonie des Césars des comédies françaises ayant un gros succès commercial. Ce fut le cas pour Trois hommes et un couffin ou pour ces Ripoux. Parenthèse fermée, mais fallait bien l’ouvrir pour expliquer pourquoi cette gentille et agréable comédie a été affublée du titre de meilleur film français de l’année.


Les Ripoux est une bonne comédie, un film bien construit, bien écrit, plutôt bien joué, parfois même un peu émouvant, empreint d’une certaine nostalgie comme sait la suggérer Claude Zidi (on pense à certains passages très parisiens d’Inspecteur La Bavure pendant le visionnage de ces Ripoux).


Mais Les Ripoux n’embrasse pas non plus les sommets comme ont pu le faire Le Corniaud ou La grande vadrouille. Les thèmes ne sont pas des plus fracassants. On n’est pas dans la comédie grinçante, à l’italienne. Ca ne fouille pas non plus le bide. Le rythme est doux mais pas non plus percutant.


C’est une bonne petite comédie, gentiment drôle. Sa plus grande valeur réside, je crois, dans la gageure d’avoir réussi à humaniser la corruption des flics. Faire des ripoux des personnages sympathiques n’était pas une mince affaire. Avec une grande intelligence, le scénario à trois de Claude Zidi, Simon Michael et Didier Kaminka joue sur l’opposition éthique entre le vieux briscard magouilleur et le jeune débutant moraliste, avec un renversement lui aussi pour le coup très moraliste sur la fin.


Reste que le point fort du film demeure la figure tutélaire aussi bien que sympathique du géant Philippe Noiret. Que j’adore cet homme! Cette voix, cette mine ronde, au regard si complexe, enfantin, bon, violent, si riche de nuances et de subtilités surprenantes! Notez que Thierry Lhermitte joue très bien l’éberlué, mais Noiret est tellement bien dans son personnage, à la fois truculent et bon vivant, arrimé à ses certitudes autant qu’à des habitudes, sans doute aussi vieilles que lui, mais en même temps le personnage n’est pas non plus dupe. Il sait que sa carrière est derrière lui, que ses petits arrangements avec la pègre et les commerçants sont un petit peu minables. On le sent désabusé, le parfait opposé de son jeune collègue, tout beau tout neuf, plein d’ambition et d’illusions. La voix et l’oeil de l’acteur porte tout ce fatras avec tant d’aisance qu’il ne peut qu’émouvoir, ou du moins attendrir.


Les rôles annexes offrent l’habituel échange de bons procédés classiques, pépères, si ce n’est la bouille de Julien Guiomar, que j’aime d’une admiration et d’un amour particuliers, un des plus beaux acteurs de seconds rôles du cinéma français de la fin du XXe siècle : rond, gigantesque, protubérant, et capable de la finesse la plus étonnante, un dessin de Franquin à lui tout seul.


La réalisation de Claude Zidi est correcte, sans plus, comme d’habitude. Il ne faut jamais attendre un beau plan de ce cinéaste, mais il n’y a pas non plus de fausses notes.


Après avoir écrit tout cela, il me faut concéder que je ne tombe pas en pâmoison devant ce film, alors que c’est typiquement le genre de comédies françaises efficaces pour lesquelles je suis un client assidu. Curieusement, j’aime bien ce film sans qu’il n’y ait la petite étincelle qui me donnerait envie de le revoir souvent. Pourquoi donc, je ne sais trop...
Captures et trombi

Alligator
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le 26 août 2018

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Alligator

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