Aussi sympa soit-elle, la série télé Les Super-Nanas diffusée dans les premiers temps sur France 3 laissait, à chaque fin d'épisode, un goût d'inachevé. Comme si le concept du programme, aussi simple qu'explosif, ne pouvait se contenter du petit écran. Si la même phrase lui a été répétée, son créateur a dû la prendre au mot et s'est ici laissé allé dans un grand fourre-tout jubilatoire, avec pour maître mot "générosité". C'est dire si les idées fusent, si les graphismes simplistes débordent de charme rétro, si les situations loufoques s'enchaînent à un rythme survolté...et si le décor est mille fois réduit en poussières.
Car The Powerpuff Girls, le film passe son temps à courir après deux choses : la vitesse et le mouvement. Déjà déréalisés par un design aux contours appuyés, les personnages profitent tous d'une caractérisation par l'excès. Il suffit d'un plan pour que les protagonistes s'incarnent, par une attitude particulière, par un faciès extravagant ou simplement par leur silhouette (taillée à la hache ou ronde comme une bille, au choix). Le plaisir généré est tout aussi immédiat : parcouru d'une énergie plus proche d'un manga survitaminé et virtuose que d'une quelconque prod Marvel, ce film-là est un buffet à volonté de sucreries qui s'avale d'une traite et sans souffler.
Vrai film à grand spectacle, The Powerpuff Girls use et abuse de la simplicité de son concept pour assouvir une nombre assez affolant de fantasmes comic book ouvertement enfantins (voir cette innocente partie de chat perché qui vire progressivement à la destruction urbaine). Plus qu'un plaisir de fan, le long-métrage des Super-Nanas est un monument d'énergie rose bonbon, un assemblage de formes et de couleurs aussi harmonieux qu'improbable, un ébouriffant tour de montagnes russes qui écrase sans problème son homologue télévisé. Bref, un pur divertissement qui carbure à l'exubérance en 60mn pleines comme un oeuf.
Réussite inespérée sortie en salles (si si) dans l'indifférence générale durant l'été 2002, le film reste encore aujourd'hui relégué aux oubliettes du film comics, la faute sans doute à l'image trop girlie revendiquée par ses héroïnes. D'une qualité technique sans faille, le DVD édité par Warner est trouvable pour une bouchée de pain sur le net. Le téléchargement ? Oui, ça marche aussi. Mais ce film-là faisant partie des rares du genre à mériter qu'on y investisse un bout sa fortune, ce serait dommage de ne pas saluer l'honnêteté de la démarche, non ?