Place aux Jeunes

Les Sixties, la révolution hippie et le Summer of Love représentent une période parmi les plus fascinantes de l'histoire récente de l'humanité, pourtant les oeuvres cinématographiques à s'être penchées sur le sujet restent assez rares, elles l'étaient tout autant à l'époque. Les Troupes de la colère fait partie de ces rares films à aborder le sujet frontalement, en faisant sa thématique principale du conflit générationnel qui faisait rage à l'époque.

Afin d'aborder ce sujet, Barry Shear décide d'en suivre la chimère achétypale : la superstar du rock. C'est donc la trajectoire de Max Frost que nous suivrons tout au long du film. Son introduction nous présente - en quelques moments clés de son enfance culminant dans une rébellion explosive - les raisons de sa colère : comme beaucoup de jeunes de son époque il a été étouffé dans une éducation faite d'interdits. Si la suite du film peut sembler à charge envers le mouvement hippie, cette ouverture nous rappelle qu'il n'y a pas de fumée sans feu et que ce sont bien les trop rigides valeurs américaines qui ont provoqué cette réaction scandaleuse et hédoniste de la part de la jeunesse du pays.

Une fois devenu "adulte", Max vis sa vie de rêve dans une énorme villa avec ses potes, faisant de la musique et consommant les drogues les plus en vues de l'époque : weed et LSD. C'est alors qu'il se fait approcher par Johnny Fergus, un politicien ambitieux misant sur le vote des jeunes pour faire décoller sa carrière et qui souhaite le faire jouer à l'un de ses meetings. Une stratégie audacieuse qui, comme chacune d'entre elles comporte des risques, Fergus s'en rendra vite compte lorsque ces jeunes qui ne veulent pas vivre au delà de trente ans prôneront le droit de vote à quatorze ans, faisant passer ses mesures pour timorées en comparaison.

La machine est alors lancée et Max Frost - semblant reproduire le comportement de sa mère en acceptant aucun compromis - exploite le conflit vieux / jeune à l'extrême construisant un programme politique on ne peut plus extrémiste tout en nous régalant de temps à autre de sympathiques chansons. Ce choc générationnel et culturel va nous faire suivre les trajectoires parallèles du politicien piégé dans sa stratégie et de la rockstar égocentrique abusant de son pouvoir et de son influence sur les masses, nous offrant quelques moment amusants (la réunion des politiciens dans l'antre des hippies ou une session de vote sous LSD) mais surtout une satire très efficace du monde politique américain. L'intelligence des Troupes de la colère réside dans son manque de manichéisme, tapant de tous les cotés, il critique autant le pouvoir coincé dans ses a priori et en décalage avec une partie conséquente de sa population, que les politiciens arrivistes prêts à tout pour des votes et la jeunesse dont les revendications font parfois fi du bon sens.

Les Troupes de la colère est donc un film plutôt sympathique et de bien bonne facture, nous transportant dans des sixties tumultueuses et nous faisant l'inventaire de leurs contradictions via les comportements ridicules des archétypes y cohabitent, hélas un certain manque de finesse dans certains propos et d'audace dans la réalisation (notamment dans les scènes de prises de LSD qui sont fort convenues - on est loin d'Easy Rider) viennent mettre à mal la qualité de la satire qui, si elle n'est donc pas exceptionnelle reste tout de même fort goutue.