Excellente comédie qui m'a fait rire mais surtout m'a poussé à porter un regard plus critique sur ce qui est le sujet du film : à quoi sert le cinéma?
Un regard d'Hollywood sur Hollywood donc, et ce qui m'a un peu frappé au début, c'est que le film prend des allures de critique du système des studios qui régnaient en maître à cette époque : un réalisateur se lasse de ne faire que des comédies et veut tourner un film qui montre la réalité et même la pire réalité possible, se heurtant aux désirs des producteurs. Cependant les producteurs qui symbolisent les studios sont montrés comme des professionnels intelligents et humains, qui finiront par se ranger du côté de leur réalisateur (ils lisent même le livre que Sullivan veut adapter). J'ai aussi trouvé original de placer des petites références comme Lubitsh ou Disney.
Sullivan est constamment renvoyé vers Hollywood, dans sa quête, ce qui peut être vu comme un échec ou comme l'appel de la caméra. Hollywood n'est après tout qu'un moyen, et Sullivan va comprendre par lui-même que son talent est un don qu'il doit mettre au service de la communauté, dans ce qui est sans doute l'une des plus belles scènes qu'il m'ait été donné de voir.
Je parle de la scène de l'église, où un groupe de prisonniers vient assister à une projection de dessin animé en compagnie d'une communauté noire. Leur entrée dans l'église est sublimée par le cadrage, l'éclairage et les chants dirigés par le prêtre (je salue au passage la façon dont cette scène met en valeur et montre avec dignité les afro-américains, ce qui n'était pas toujours le cas dans le cinéma des années 1940). Sullivan, en voyant tous ces gens peu fortunés rire de bon coeur devant le cartoon, même ce gardien de prison si brutal, et en riant lui-même, va comprendre quelque chose qu'il expliquera joliment à son producteur : "There's a lot to be said for making people laugh. Did you know that that's all some people have? It isn't much, but it's better than nothing in this cockeyed caravan."
Bien sûr, ça ne veut pas dire que le cinéma doit servir uniquement à faire rire et rendre les jeux heureux, leur faire oublier leur problèmes, même si c'est là l'une de ses plus grandes vertus. Mais tant qu'il y aura des personnes talentueuses pour filmer des comédies ou des drames réalistes, le cinéma existera et nous fera passer par toutes les émotions. Et en pleine seconde guerre mondiale, un tel film véhicule bien des messages forts pour ne pas dire idéologiques, la triste réalité que Sullivan part découvrir pouvant être celle de l'Europe et du Pacifique.