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Ce film est une sorte de Giallo à l'américaine, qui suit les traces des légendes du film d'horreur italien, notamment Dario Argento et Mario Bava. Pour ceux qui ne seraient pas habitués au genre, "Giallo" est le mot italien pour "jaune", et lorsqu'on parle d'un Giallo dans le domaine cinématographique, c'est à un thriller italien, généralement produit pendant les années 70 ou 80, que l'on fait référence. Ce type particulier de thriller a été nommé "Giallo", car les productions du genre étaient de nature semblable aux romans policiers imprimés en Italie à la même époque, et la plupart possédaient une couverture jaune, du fait de l'utilisation de papier bon marché. Dario Argento, Mario Bava, Michele Soavi et Lucio Fulci sont unanimement reconnus comme les meilleurs réalisateurs de Giallo historiquement parlant. Des films comme Profondo Rosso (1975), Six Femmes Pour l'Assassin (1964) et Deliria (1987) sont de grands classiques que tout le monde devrait voir un jour. Ces films ont tous quelque chose en commun: Leur scénario est basé sur l'histoire d'un tueur se cachant dans l'ombre, au-delà de notre vision. Habituellement, ce tueur s'en prend à une femme en cherchant à la tuer. Certains codes de mise en scène sont généralement toujours présents d'un film à un autre, comme le fait que nous ne voyions jamais clairement le tueur lui-même. La question qui se pose durant le visionnage du film est ainsi toujours la même: "Qui est le tueur?"
Cette longue explication se justifie par le fait qu'en visionnant Les Yeux de Laura Mars, on se sent exactement comme devant un pur "Giallo" italien, ce film possède tous les éléments que l'on peut attendre de ce type de production.


Explications:


Les Yeux de Laura Mars est un film au sujet d'une photographe nommée... Laura Mars, une artiste de renommée mondiale dont les images violentes et ultra-sexuées lui assurent une attention et une controverse constante. Alors que beaucoup aiment ses photos et les considèrent comme la quintessence de l'art, d'autres les trouvent offensantes et repoussantes. Les médias, de leur côté, semblent penser qu'elles glorifient la violence et objectivent l'idée de la femme. Qu'importe ce que les gens pensent d'elle, Laura est une artiste, et elle se satisfait de son travail et de l'image qu'elle a d'elle-même. Sa vie va cependant basculer lorsqu'elle commence à avoir de mystérieuses visions d'un tueur assassinant ses proches, ses craintes se matérialisent au moment où un tueur semblant reproduire les scènes présentées dans ses photographies sort de l'ombre...


Film basé sur un scénario de John Carpenter, (qui réalisera d'ailleurs la même année un film également inspiré des maîtres du thriller italien, Halloween, comme quoi le bonhomme était en plein boom créatif à ce moment de sa carrière) Les Yeux de Laura Mars est parfois désigné comme le film qui a tué la carrière de Faye Dunaway, ce qui est assez aberrant, car même s'il n'a pas été bien reçu par les critiques professionnels de l'époque, il dispose d'un casting de haut vol, d'une réalisation élégante, d'un scénario posant une ambiance sulfureuse, et un suspense haletant, tout en évitant de tomber dans le bain de sang. Ce film possède tout ce dont un bon thriller a besoin, une intrigue captivante, une bonne dose de tension, et de belles femmes magnifiquement mises en valeur.


Il s'agit en effet d'un solide film d'horreur des années 70; qui n'a clairement pas à rougir de ses prédécesseurs, sachant que les 70's sont probablement la décennie qui a produit les plus grands films d'horreur de l'histoire, c'est dire. Et comme un bon film d'horreur n'est rien sans de bons personnages auxquels on peut s'identifier, parlons pour commencer du casting impressionnant de ce film. Faye Dunaway sortait tout juste d'une Oscarisation pour son rôle dans le film Network (1976) au moment du tournage, inutile de dire que les attentes à son sujet étaient élevées. Nous avons également droit à une bonne prestation d'un jeune Tommy Lee Jones, tout juste trentenaire, qui tenait là son premier grand rôle au cinéma en jouant le flic enquêtant sur les meurtres. Sont également à signaler dans les principaux rôles secondaires, Raúl Juliá, l'inoubliable Gomez de la famille Addams, qui campe l'ex-mari de Laura, en servant d'élément perturbateur secondaire, ainsi que Brad Dourif, qui joue un ex-taulard devenu le chauffeur de limousine de Laura. Un casting pour le moins solide qui fait plaisir à voir! Ce qui est d'ailleurs l'une des marques de fabrique des grands films d'horreur des années 70: La production les prenait au sérieux. Les productions horrifiques de l'époque avaient droit à des acteurs matures qui prenaient leur film au sérieux. Cependant, ce film ne repose pas uniquement sur une grosse distribution, il est également imbibé de toutes parts de l'esprit du New-York des années 70.


Et c'est un aspect vraiment appréciable de ce film, il sent et respire le New York de cette époque. On sent réellement une œuvre habitée par l'esprit de cette ville. On sent la crasse des ruelles sombres et des quartiers miteux, tout comme on sent le flashy des quartiers mondains, leur décadence et leur vie. Une scène particulièrement marquante de séance photo en plein milieu du Columbus Circle illustre parfaitement cet état de fait, en utilisant à merveille l'espace de jeu proposé par ce lieu à la croisée des chemins des lieux les plus huppés de New-York.


Pour continuer sur un plan plus technique, ce film dispose d'une utilisation ingénieuse de la palette de couleurs, le ton et la colorimétrie du film change de scène en scène, tout en conservant une unité assez incroyable. L'écriture est généralement très intelligente, et là, on ne peut que tirer notre chapeau au géant parmi les géants du film d'horreur, grâce au scénario de John Carpenter, le travail des acteurs est magnifié, l'écriture des personnages en particulier est vraiment impressionnante, il est fort probable que les personnages de ce film n'auraient eu aucune profondeur dans les mains d'une autre personne. Alors qu'ici, même la mort de rôles secondaires que nous ne rencontrons que pendant un bref instant parvient à nous mettre mal à l'aise. La performance de Faye Dunaway est particulièrement précieuse dans ce film, même à près de quarante ans, elle affiche une pêche et une fraîcheur étonnante. Son personnage possède un charisme puissant qui déborde littéralement du cadre, étouffant presque ses collègues masculins, c'est dire!


Les Yeux de Laura Mars contient également l'une des bandes-son les plus addictives jamais réalisées. Le film possède sa propre chanson-thème, interprétée par Barbra Streisand, ainsi que de nombreux classiques, parmi lesquels "Shake Your Booty", "Boogie Nights", "Let's All Chant" et "Native New Yorker", un répertoire majoritairement disco qui ne plaira certainement pas à tout le monde, mais dont le principal intérêt est d'avoir capté l'essence de son époque. Et qui ajoute une certaine classe à l'ensemble, même lorsque Kershner filme des femmes seins nus ou légèrement vêtues.


Pour la petite histoire, il s'agit du film qui a donné à Irvin Kershner l'occasion de réaliser L'Empire Contre-Attaque (1980) pour George Lucas. Lucas aurait fait ce choix après avoir visionné une scène grossièrement coupée pendant la post-production de ce film, et aurait été immédiatement impressionné par le talent du bonhomme. Les Yeux de Laura Mars possède en effet une direction de haute volée, avec notamment certains effets spéciaux impressionnants pour l'époque, particulièrement lors d'une scène se déroulant vers la fin du film, impliquant une salle remplie de miroirs. L'imagerie du film est vraiment intéressante, Kershner joue délibérément avec les images, nous proposant un jeu complexe de réflexion et de reflets. Loin de n'être cependant qu'un simple exercice de style, ce film possède également une dimension poétique. Fait illustré notamment lors d'une scène où deux personnages tombent amoureux, il s'agit d'une illustration vraiment très belle de la découverte de l'âme sœur, ainsi que d'une réflexion sur la façon dont la vie peut être terrifiante si l'on ne trouve pas quelqu'un de spécial pour la traverser avec nous. Un moment de tendresse totalement inattendu et excellemment bien réalisé, sur une simple, mais belle idée de la vie. Ce qui confirme que Kershner était un réalisateur vraiment très compétent et complet.


Pour conclure, Les Yeux de Laura Mars est un excellent exemple de Giallo à l'américaine, bien dirigé, excellemment joué, et méritant sa place au panthéon du film d'horreur à quelques détails près. L'influence italienne se fait sentir dans ses moindres recoins, Kershner et Carpenter ont clairement tous deux été influencés par les films de Dario Argento et Mario Bava, et cela fait évidemment plaisir! Un film injustement tombé dans l'oubli qui pourrait pourtant se profiler comme un complément parfait au Halloween de Carpenter, et qui mérite aujourd'hui d'être réhabilité comme il se doit!

Schwitz
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le 5 nov. 2016

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