Leviathan
7.1
Leviathan

Documentaire de Lucien Castaing-Taylor et Verena Paravel (2013)

Après la vague d'éloges à propos de ce film, l'envie d'y aller a bien entendu était décuplée, d'autant que, disons-le clairement, je ne connaissais pas son existence et on peut donc dire que le bouche à oreille fonctionne toujours aussi bien dans ces cas là. C'est aussi l'occasion de vérifier si Eric C. disait vrai quand il déclarait : "When the seagulls follow the trawler, it's because they think sardines will be thrown into the sea. Thank you very much."

Donc c'est un documentaire - déjà, chose rare, depuis quand je n'en avais pas vu d'une aussi belle facture dans une salle de cinéma ? - sur la pêche, les pêcheurs, les poissons, tout ça tout ça. Première déception : on vend le film comme un réquisitoire contre la pêche intempestive et le dépassement de l'homme contre la nature : à moins d'aller chercher le symbolisme avec les dents, difficile d'y voir un quelconque sens caché. Bon, évidemment que les réalisateurs ont cherché à montrer le dégoût que cela occasionne, avec des rivières de sang, des têtes de poissons, des raies découpées, etc. Sur les limites de la relation entre l'homme et la nature dans laquelle il évolue, bof, je m'attendais à voir le bateau aller chercher des poissons dans des zones ultra risquées, en pleine tempête, ce qui validerait dès lors cette claque esthétique vendue et revendue par tous les cinéphiles qui s'y sont aventurés. Au final, rien de tout cela : les pêcheurs font leur taf quotidien, ni plus ni moins, sans aucune excitation particulière que cela soit de leur côté ou du notre.
Leviathan serait donc un autre de ses films victimes de leur réputation, annonçant monts et merveilles pour au final pas grand chose, hormis une sur-interprétation navrante en bien des points ? Pas tant que ça non plus : le parti pris de l'esthétisme a ses mérites, mais aussi ses lacunes.
Par exemple, nombreuses sont les scènes proprement inutiles et sacrément emmerdantes sous couvert de réalisme (le pêcheur s'endort devant la télé, ok). Par contre, dès que l'immersion visuelle et sensorielle est accomplie, c'est un régal. La première fois qu'ils plongent la caméra dans l'eau, des sensations fortes sont au rendez-vous. L'arrangement sonore y participe pour beaucoup. L'immensité de la mer, les vagues qui s'enfoncent dans le bateau, les bruits mécaniques des poulies et des filets... : le film harcèle les sens du spectateur sans jamais le lâcher. C'en serait presque là qu'il perd beaucoup de crédit, ironiquement. Il ne propose que cela et rien d'autre, donc une fois passés les grands moments intenses d'immersion, le rythme (si l'on peut utiliser ce terme pour un film comme ça) retombe brutalement, rendant certains passages très chiants.

Ou peut être cette impression de dégoût devant ce tout-esthétique ne vient-elle que du fait que j'ai eu pendant tout le film la musique de "A la pêche aux moules, moules..." dans la tête. A voir.
Pariston
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le 16 sept. 2013

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Pariston

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