Bon c'est tiré d'un roman, je ne vais pas lui dire bravo d'avoir écrit le scénario censé être "infilmable" bla bla bla.
Mais je dois avouer que pour l'époque, donc avant 1968, Lolita est une bombe atomique pour le spectateur. Pour réussir dans le monde de l'art, il faut choquer, et ça Stanou l'a bien compris. Il va s'efforcer de mettre en scène un jeu simple pour dépeindre une réalité choquante, où le hors champ laisse place à une imagination débordante et sombre. Cela dit, je ne trouve que le film soit très subtil, bien au contraire. Il y va quand même comme un phacochère sur ses idées, l'intention peut-être de s'assurer que nous ayons bien compris l'histoire qu'il souhaite raconter.
Points +:
- Le jeu d'acteur: Tout le monde joue avec brio. Caster un comédien bizarre comme Peter Sellers pour jouer un génie mégalo, j'ai envie de dire bravo parce que je n'y aurais jamais pensé. Ce contre cliché marche super bien car même si l'acteur a du charme celui-ci n'est à aucun moment perçu comme un adversaire par le protagoniste, et c'est très fort ! Quelle performance (surtout lorsqu'il joue le psychanalyste allemand)! l'acteur principal joue quant à lui un éventail d'émotions complexes. Son arc narratif le fait chavirer du mâle alpha manipulateur à la brebis sans défense, cocue par une enfant. Je regrette que Stanou n'ait pas réussi (pour moi) à créer l'empathie nécessaire pour nous embarquer totalement dans son arc.
- La mise en scène: Très simple, Stanley met l'accent sur le jeu et ça se voit. Du fixe, du Pano, peu de profondeur de champ, peu de triche, tout est quasiment filmé en master et surtout très peu de Champ / Contre champ. Spéciale mention à la scène de "danse" lorsque Humbert se rend compte que Lolita a quitté l'hôpital.
- Les ellipses et les hors-champs: On ne sait pas ce qui passe et rien n'est montré.
L'ellipse lorsqu'il se marie avec la mère marche très bien. Aussi lorsqu'il couche avec Lolita la première fois avec un fade out long et très dérangeant.
- Choquer c'est bien, déranger c'est mieux.
Points -:
- Le jeu a du mal à se mettre en place en début. Le jeu de la mère est surjoué et en 2024 ça ne passe du tout. Lolita aussi, bien qu'elle se reprenne au milieu du film incarne un personnage auquel au début je ne crois pas du tout. Le revirement de Humbert qui change d'avis dès qu'il voit Lolita est trop gros sabot, j'y crois pas. Je n'ai pas l'impression que Kubrick avait pris ses marques à ce moment là, mais c'est juste ma perception.
- Quelques mises en scène un peu lourdes: J'ai été un peu déçu d'avoir la fin avant la fin. J'aurais souhaité me laisser surprendre par Clare Quilty mais je n'ai pas l'impression que Stanley ait tout mis en oeuvre pour y arriver. Montrer deux fois son affiche dans la chambre de Lolita + Quilty qui demande à sa mère s'il connait bien une Lolita, ça va on a compris le message, c'est lourd. C'est même dommage, car j'aurais bien voulu être surpris en ne l'apprenant qu'à la fin de l'histoire.
- Trop de dialogues tuent le dialogue: C'est vrai qu'ils sont extrêmement bien écrits, qu'ils sont souvent indirects et très suggestifs. Mais j'aurais préféré un peu plus de jeu, de non-dits, de jeu de regards, de langage corporel, comme on a pu le voir dans ses films plus tard comme Barry Lyndon. Je chipote.
A voir.