Autant en emporte le pédophile

Seconde adaptation du roman de Nabokov après celle Kubrick, ce Lolita se veut plus fidèle au texte d'origine. Adrian Lyne a un parti-pris assez intéressant, car il fait de cette histoire un mélodrame. Il délaisse le cynisme, l'humour noir et l'aspect hautain du personnage de Humbert (présents dans le film de Kubrick et le livre) et le montre comme une figure tragique. Il n'y a pas vraiment de réflexion sur la pédophilie, pas de recul sur la situation, non, Humbert et Lolita forment un couple en proie aux affres de l'amour. On peut presque trouver ça dérangeant que les auteurs du film soient persuadés de raconter une classique histoire d'amour tragique, traitant Humbert comme une victime, un pauvre homme, alors que Nabokov a toujours dit que Humbert était une ordure. Cependant, je ne pense pas qu'on ait besoin de nous rappeler que la pédophilie n'est pas une très bonne chose. Si Lyne veut faire du mélo, soit. Après tout, pourquoi pas ? Le film est raconté du point de vue Humbert. Par sa narration ponctuelle, il nous fait comprendre que c'est son histoire, son point de vue, sa subjectivité. Il nous partage sa vision mélodramatique de cette histoire.

Cependant, c'est cette approche mélodramatique qui pause problème. La mise en scène tombe de temps à autre dans le kitsch tant les effets de style sont appuyés. J'en veux pour preuve la découverte de Lolita. On voit cette jeune femme filmée en lent travelling accompagné de musique romantique. Lolita est lascivement allongée sur l'herbe, sur le ventre, jouant avec ses cheveux et balançant ses jambes derrière elle, le tout sous une pluie causée par l'arrosoir automatique qui rend transparents ses vêtements collés à sa peau. Les gouttes ruissellent sur son corps et la musique bien lourde nous fait comprendre avec des gros sabots que cette vision enchantée fait dresser quelque chose dans le pantalon de Humbert qui la regarde bouche ouverte. On pourrait excuser cette vision kitsche par le point de vue déformé de Humbert, mais le film semble jouer à fond la carte du premier degré. Avec le manque de recul, le film finit par tomber dans le ridicule.

La fidélité au texte d'origine est aussi un problème. Lyne veut tout mettre, mais au final, on a une histoire une peu brouillonne et des passages expédiés, alors qu'ils auraient pu avoir une vraie portée émotionnelle. La romance adolescente de Humbert est montée comme un clip et la relation entre Humbert et Charlotte est sans saveur. A être passé trop rapidement dessus, on ne ressent pas trop l'horreur de la découverte que fait Charlotte des textes de Humbert. Les choses s'enchaînent, parce qu'elles le doivent.

Pour finir sur une note positive, les acteurs sont vraiment bons. Le côté impétueux de la Lolita de Dominique Swain est vraiment sympa. Jeremy Irons est classe, comme d'habitude et Frank Langella est assez jubilatoire à voir tant il est allumé.