Appeler les dictateurs par leurs prénoms

La scène d'introduction est réellement prodigieuse... Elle coupe le souffle (c'est le cas de le dire) par sa monstruosité, son intensité et sa structure réaliste. Parfaitement montée elle représente un cours de géopolitique à elle seule. En effet le trajet de cette balle fabriquée dans des manufactures Russes et qui va finir par se loger dans la tête de ce jeune garçon noir quelque part en Afrique exprime l'inconstance des frontières en matière d'armes et la facilité déconcertante avec laquelle elles sont échangées.


Il faut tout d'abord introduire le film par le sujet qu'il traite : la vie d'un marchand d'arme vivant par le biais de guerres civiles et conflits armés en tout genre. La nouveauté est que l'on ne perçoit pas les choses de l'habituel côté moralisateur du « bien » ou un individu se démarquera seul contre tous pour se battre contre le lobby des armes (scénario vu et revu), mais au contraire le film va briser les règles et nous livrer un message amoral où l'on va peu à peu vivre au travers et s'identifier au pire des hommes, méprisable et abject par ses agissements. Ce film au réalisme frappant, à la contemporanéité juste et brûlante est ponctué de cynisme et d'humour noir merveilleusement manié par Nicolas Cage.


En effet, Nicolas Cage est ici dans un de ses plus grands rôles : il possède une rhétorique indestructible, brillant par l'inexistence de scrupules et prônant une philosophie de vie amorale. La recette de l'antihéros est ici donc appliquée à la perfection, car une certaine sympathie relative va paradoxalement naître chez le spectateur pour ce personnage controversé.
Dans un sujet pourtant difficile, le réalisateur s'illustre réellement par un film effrayant de réalisme et de monstruosité (étant donné que le film est basé sur des faits réels), pari audacieux qui amené le spectateur sur le chemin de la réflexion.


Andrew Niccol ne tente absolument pas de nous montrer que la vente d'armes est moralement mauvaise (on ne peut pas considérer que le message du film soit si naïf), mais se plonge plus profondément dans le problème en le prenant à la racine : c'est un capitalisme d'une hégémonie sans nom qui va mener à la hiérarchisation supérieure du profit à la vie humaine sans considération aucune pour les retombées qui vont donner lieu, par exemple, à la vente de machines à tuer à des despotes sanguinaires. On assiste à la dissection d'un monde profondément vicieux et méprisable où le « calcul froid du capitalisme » est souverain et maître de toutes choses. L'horreur du système nous est suggérée par Nicolas Cage qui va engager un dialogue en interpelant directement le spectateur, ne cherchant pas à se dédouaner de ses actes mais juste à expliquer les raisons (aussi bonnes soient- elles) qui le motivent à agir.


Ainsi le film explique que Yuri (Nicolas Cage) n'est qu'une infime partie de l'immense système tentaculaire et corrompu que représente le marché des armes où en réalité les états sont les principaux acteurs (les Etats-Unis, la France, la Grande Bretagne etc.) Finalement, le maintien du bain de sang dans lesquels les pays pauvres sont empêtrés est directement lié au bon vouloir des pays riches, démocratiques et prônant hypocritement comme valeur supérieure à tout les droits de l'homme.

NicoH
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le 15 avr. 2012

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