Lorelei
4.2
Lorelei

Film de Shinji Higuchi (2005)

Quand la rétro-science fiction croise un sous-marin qui chante...

Lorsque les japonais parlent de guerre, le registre lyrique est souvent repris par les scénaristes et les metteurs en scènes pour humaniser ceux qui se retrouvent, de leur plein gré ou pas au cœur d'un conflit. Shusen no Lorelei, puisque c'est le titre originel, comprenez « Lorelei ou la fin de la guerre » - traduction qui me paraît la plus convenable, littéralement parlant - est une œuvre de 2005 issue d'un roman de Fukui Harukosi, adapté par Suzuki Satoshi pour le cinéma. Se situant à la fin de la seconde guerre mondiale, à une époque où l’Allemagne a déjà capitulé, le chef d’œuvre de Fukui Harukosi et de Suzuki Satoshi doit être étudié avec une vision bien japonaise, et il s'agit, de ne pas imaginer de blockbuster à l'américaine - bien qu'ayant recours ponctuellement à la science fiction rétro - mais plutôt comme un film réalisé avec des moyens modestes – en comparaison de ce qui se fait aux États-Unis et qui crève nos écrans –.


Un cours synopsis du film, sans pour autant dévoiler l'intrigue place donc le spectateur au lendemain de l'attaque nucléaire d'Hiroshima, véritable séisme dans la péninsule nippone. Le capitaine Shinichi Masami, joué par Yakusho Koji – assumant un rôle assez personnel puis-qu’étant né dans la préfecture de Nagasaki – est chargé par le commandement de la Marine Impériale Japonaise de diriger un bâtiment submersible, donné secrètement par les Allemands avant leur capitulation et lui même dérobé à la France - Le roman de Fukui Harukoshi le précise - baptisé イ507, littéralement I-507. Ce sous-marin renferme néanmoins une technologie bien particulière, d'origine Nazie, portant le nom de Lorelei, bien loin du sous-marin Surcouf Français dont il est dérivé et qui aidera les protagonistes, à changer ou non l'issue de la seconde guerre mondiale...


Ce film a comme principale caractéristique de ne pas avoir de personnage principal, ce qui renferme sa dimension épique voire nationaliste, en montrant que l'individu n'est rien contre le groupe : cette pensée très japonaise poussera les metteurs en scène à exacerber la dimension patriote des dialogues, ce qui est, par ailleurs toujours très présent chez les japonais. Par conséquent, on en vient même à entrevoir la perception japonaise de la seconde guerre mondiale, à savoir un pays qui se défend contre l'oppression américaine, bien loin des standards hollywoodiens comme le Pearl Harbor de Jerry Brubkeimer. Si ce type de pensée peut surprendre voire choquer, cette caractéristique ne doit pas s'imposer au spectateur, car c'est un incontournable du film de guerre nipppon.
Néanmoins, on peut insister sur le registre lyrique évoqué au commencement de cette critique. En effet, le système Lorelei nécessite une présence humaine, représentée par le personnage de Paula Atsuko-Ebner, dont l'existence dramatique se trouve éclaircie par la relation entretenue avec le matelot Origasa Yukito et la passion de celle-ci pour le chant et c'est avec la pus grande surprise que le thème principal du film n'est autre que le Wiegelied de Mozart, ce qui peut paraître étrange pour un film de guerre japonais. Cette présence est particulièrement touchante, tant le contexte dramatique de la fin de la guerre, illustré par une berceuse, donne un espoir de renouveau en mêlant parfaitement mélancolie et apaisement des souffrances endurées de tous bords par le déchirement de la guerre. Car c'est bien ça, la mission dont s’investit le capitaine Shinichi Masami, sauver le Japon de la destruction imminente annoncée par les Etats-Unis par l'utilisation historique de l'arme nucléaire.


Ce film s'inscrit parfaitement dans la tradition japonaise du mélange des genres, et ce film, s'il utilise le contexte historique de la guerre du Pacifique, n'en reste pas moins un film de science fiction alternatif, et c'est il me semble ce qu'il y a de particulièrement intéressant dans le cinéma japonais, à savoir la rupture des barrières conventionnelles du cinéma, de l'histoire et de ses tabous, pour créer une œuvre originale, palpitante et où le spectateur est tenu en haleine jusqu'à une fin duale, et ambivalente.


Côté bande sonore, Lorelei ne brille tellement dans l'originalité, mise à part l'incorporation de Mozart, et on a souvent de la musique synthétique, ce qui est dommage, quand on se rend compte du potentiel énorme qu'à le film, néanmoins, l'utilisation des airs employés est tout à fait judicieux, et ce défaut de goût n'est que très peu gênant.


Les décors employés mêlent quant à eux plutôt bien scènes prises dans un sous-marin réel et images de synthèse - de qualité correcte sans être époustouflantes, mises à part quelques scènes superbes, de jaillissement du sous-marin pour l'interception de navires américains menaçants notamment -.


Shusen no Lorelei est un film à voir et à revoir sans aucun doute. J'ai personnellement passé un moment exquis à le regarder une première fois sur Ciné-cinéma en 2009, et à le revoir en DVD un an plus tard. Si le prérequis d'avoir un intérêt pour le Japon est certain, ce film qui peut être pour certains passages impressionnant pour les plus jeunes, n'en reste pas moins un chef d’œuvre du cinéma japonais, avec des acteurs excellents et un scénario plein de rebondissements jusqu'à une fin émouvante.

Guillaume_Lnt_R
8
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le 27 août 2013

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