Los Olvidados
7.8
Los Olvidados

Film de Luis Buñuel (1950)

Ce qui frappe en premier dans ce film, au-delà de son approche quasi documentaire, c'est l'incroyable dureté et la violence graphique qui le jalonne.
Issu de la période "mexicaine" de son œuvre, ce Los Olvidados, littéralement Les Oubliés, possède tout le carburant de la filmographie du réalisateur du surréalisme espagnol, allié à une incursion sans concession dans les bas-fonds des quartiers pauvres de Mexico.


Du surréalisme qui apparaît par des procédés de mise en scène aux effets oniriques, ellipses, audaces visuelles, raccords et fondus enchainés bluffants de maîtrise, avec des effets styles qui apportent un plus circonstancier à la dureté du propos.


Étant donné le sujet traité, il fallait en passer par cette âpreté et cette vision cruelle et sans concessions de la pauvreté que Buñuel balance aux yeux du spectateur, que j'imagine aisément éberlué par cette violence graphique qui pour l'époque avait dû choquer.


Totalement dénué de pathos et d'émotionnel ce film garde encore aujourd'hui toute sa force, de frappe..., avec un véritable projet de déstabilisation du spectateur voyeur qui assiste entre autres à un tabassage en bonne et due forme d'un vieux troubadour aveugle! Impensable aujourd'hui sans déclencher l'ire des comités de censure ou des associations de contrôle de l'image...


Malgré cette âpreté et cette dureté cherchant à choquer, le film dénote une véritable volonté d'humaniser cette société des laisser pour compte, ces oubliés sur lesquels la société portent un regard distancier et préfère tourner la tête.


Au-delà de l'aspect documentaire, d'ailleurs le film commence par une voix-off qui interpelle les sociétés américaines, françaises et anglaises sur ce qui va suivre, cette œuvre possède quelques fulgurances visuelles absolument bluffantes. Je pense à cette scène avec le bourgeois qui fait une proposition malsaine au gamin, lui proposant une passe, tout ça filmé derrière une vitre de magasin, sans son et en un plan fixe, entre autres étrangetés magnifiées par ce talent incomparable de mise en image que possède ce cinéaste.


Malgré sa courte durée, 1h15, ce film coup de poing touche au but de manière implacable, choquer le spectateur-voyeur pour l'interpeller.
A noter qu'il fût récompensé par un prix de la mise en scène au festival de Cannes en 1951... car c'est en 1951 que ce choc fut balancé aux yeux du monde. Aujourd'hui encore, il garde toute sa portée!

philippequevillart
8

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le 30 mai 2017

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