Gosling nous invite à plonger dans son pessimisme sublimé, dans sa vision pré apocalyptique de la société. En effet, dès les premiers plans règne une atmosphère de fin du monde, avec ses vestiges d’un temps jadis prospère, et dont les quelques rescapés aimeraient fuir, mais n’ont aucun endroits où se réfugier, où chercher une vie meilleure. Alors ils restent là, essayant de survivre tant bien que mal, au milieu des ruines, symboles de ces vies détruites, qui furent heureuses un jour, à l’instar du film de mariage de la grand-mère devant lequel elle reste prostrée jusqu’à ses derniers instants. Sans avenir, sans horizon possible, les personnages semblent stagner, à l’image de la rivière perdue, ils tentent de trouver des réponses dans les vieilles superstitions et dans les fonds marins, car faute d’illusions ils se réfugient dans le passé. C’est la seule alternative qui leur est proposée pour ne pas sombrer dans la violence qui les entoure. Car dans cette atmosphère de fin du monde, tous doivent se confronter à la violence : qu’ils en soient les bourreaux, comme Dave, être pervers profitant des faiblesses des habitants désenchantés, ou Bully, qui s’impose selon la loi du plus fort, seule hiérarchie semblant opérée à Lost River ; ou qu’ils en soient les victimes, comme les jeunes Bones et Rat, essayent de se libérer tant bien que mal de cette oppression. L’omniprésence de la violence est aussi montrée sous la forme d’un show sanglant, au sein d’un cabaret gothique dont le public semble particulièrement friand, et qui illustre le besoin d’exorciser le désespoir de leur situation, donnant lieu au passage à de très belles scènes nimbées de fantastique.
Exorciser, c’est peut être ce qu’a voulu faire le réalisateur, exprimer ses peurs, à travers des personnages archétypaux, illustrant la lutte entre le Bien et le Mal. Mais aussi son manque de foi en ce qui concerne l’avenir de l’humanité, montrant cette lutte vaine car sans issue possible, tout est voué à la destruction. Exorciser, à travers toutes les références que Gosling a accumulées pendant sa carrière en tant qu’acteur, et qu’il recrache ici pour former son propre univers onirique. Ce qu’il semble nous dire alors, c’est que quand la société ne sera plus qu’un tas de ruine, ce qui restera ne sera que violence, une belle violence en apothéose, telle que seul l’homme sait produire, avant de sombrer dans l’abîme, d’être submergé.

Léa_Krykowski
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le 12 mai 2015

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Léa_Krykowski

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