Cette introduction au ralenti sur ces sportives anonymes. Ce temps presque figé sur les corps en gros plan, sur les poitrines, sur les cuisses, les fesses, mais jamais les visages. Cet habile prise d'otage de l'œil du spectateur qui ne sait pas dans quoi il s'embarque mais qui déjà se sent perverti, voyeur insoupçonnable, prédateur à l'affut;



J'étais pas prêt.



Ces quelques minutes qui frôlent la perfection. Une jeune fille qui s'engouffre dans une voiture pour ne pas rentrer à pied sous un soleil de plomb. Une autre adolescente, Vicki, affectée par le récent divorce de ses parents. Un couple amoureux et des images telles des indices qui nous suggèrent doucement ce qu'on avait ressenti quelques minutes plus tôt;



J'étais pas prêt.



L'atmosphère est installée. Même la nuit est de plomb. Ce qu'on imagine va arriver. Une nouvelle proie. Un siège auto pour voir le piège se refermer. Tu ne sortiras pas ce soir ma fille. Les dès sont jetés. Et arrivent les cris;



J'étais pas prêt.



Ben Young jouent avec la profondeur et les hors-champ. Ce n'est pas l'image qui nous glace le sang mais le son. La détresse de Vicki est palpable. Elle est vocale. Ashleigh Cummings se débat, se résigne et se disloque. Evelyn est prise au piège d'un amour auquel nous ne pouvons pas nous identifier. Emma Booth se débat en silence, se résigne et se disloque. L'emprise physique et psychologique de John, détestable Stephen Curry, est au centre de ce trio éphémère qui se terminera par un voyage dans une forêt de conifères;



J'étais pas prêt.



Love Hunters frôle la perfection pendant une grande partie de ce huit-clos d'une désespérance absolue. Le malaise latent de cette situation perverse, l'indiscutable destin de Vicki, le monde qui continue de tourner sans se douter de ce qu'il se passe derrière ces murs, là, à à peine quelques mètres. Cette proximité inatteignable;



J'étais pas prêt.



Le piège est total. Il est froid, malsain et sans apparat. La caméra détourne le regard et suggère la force destructrice de ce qu'on ne peut imaginer subir. Rien ne bouge. Il se passe si peu de temps et pourtant tellement de choses. Ne vous inquiétez pas. Attendez lundi.



J'étais pas prêt.



Je n'étais pas prêt pour un tel film. J'ai subi. J'ai espéré et je me suis résigné. J'ai espéré le meilleur, je me suis résigné au pire, où peut être l'inverse. J'aurais peut-être aimé que toute la force, toute l'horreur qui m'avait agrippé fermement à peine une heure et demie plus tôt ne me lâche jamais, j'aurais aimé finir cette épreuve comme j'y suis entré, en marchant sur les pas d'une perfection morbide. Le générique de fin est arrivé. J'ai éteint. Je suis allé me coucher, abasourdi. J'ai attendu le sommeil, longtemps malgré l'heure tardive.



J'étais pas prêt.


RicowRay
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Les meilleurs films de 2017 et Les meilleurs films que j'ai surtout pas envie de revoir

Créée

le 4 oct. 2020

Critique lue 55 fois

RicowRay

Écrit par

Critique lue 55 fois

D'autres avis sur Love Hunters

Love Hunters
blajc
5

La salle de cinéma, ou le microcosme de la filsdeputerie

Franchement, c’était incroyable, je n’avais jamais vu ça. Love Hunters, dimanche 16 juillet 2017, 22h30, UGC Les Halles, Paris, quand le non-respect dépasse le stade de la rationalité. Ca faisant...

le 17 juil. 2017

39 j'aime

13

Love Hunters
Dagrey_Le-feu-follet
9

Chronique de la violence ordinaire.

Perth, durant l'été 1987, Vicki Maloney, une adolescente, se rend à une soirée. En chemin, Evelyn et John White, un couple de trentenaires, l'abordent et lui proposent un joint. La jeune femme...

le 12 juil. 2017

35 j'aime

2

Love Hunters
mymp
7

Slave to love

Ben Young s’en est expliqué dans le dossier de presse de son film : les tueurs en série tuent généralement par rapport à des troubles liés au sexe et à un sentiment aigu de domination. Les tueuses,...

Par

le 9 juil. 2017

33 j'aime

3

Du même critique

The Medium
RicowRay
4

L'exorcisme de Ming

Une bande annonce faite de beaux paysages où viennent s'inscrire shamanisme et étrangeté malsaine, un film d'horreur à la sauce documentaire, Thaïlandais, avec Na Hong-Jin à la production et en tant...

le 16 déc. 2021

10 j'aime

Dragon Ball FighterZ
RicowRay
5

Trop beau pour être trop bien

Ah ça, ils te l'ont vendu à grands coups d'images. Mon dieu, c'est pas vrai, je vais pouvoir jouer à l'anime Dragon Ball Z !C'est pas vrai ?Si, regardes la dernière vidéo !Oh. C'est pas vrai !Alors...

le 16 avr. 2018

8 j'aime

The Strangers
RicowRay
10

What the fuck happened ?!

3ème film de Na Hong-jin, réalisateur de The Chaser qui m'avait déjà époustouflé, et bien c'est une nouvelle fois chose faite avec The Strangers. Impossible d'écrire une critique constructive en...

le 31 juil. 2016

8 j'aime

3