Tebé or not tebé
Nuit. Tisane terminée. Film terminé. Gothic ôte son casque à cornes pour s'essuyer la joue tant il pleure d’admiration. Nomé(nale) quant à elle s'empresse de fuir pour cacher ses larmes de...
Par
le 7 déc. 2014
276 j'aime
53
J'ai longtemps hésité (4 mois quand même) avant de faire une critique de Lucy, car je n'étais pas sûr d'éviter la mauvaise foi. N'ayant rien à faire de la réputation de Luc Besson, je suis allé le voir avec curiosité. Je m'attendais à ce qu'il soit à peu près divertissant et je ne me faisais pas de soucis à propos de son postulat de départ : oui le coup des 10% de cerveau c'est idiot, non je ne pense pas que l'on acquiert le don de télékinésie en augmentant ce pourcentage. Mais après tout c'est le synopsis du film, on nous l'annonce dès le début donc on n'est pas pris par surprise. Autant laisser tomber les questions de réalisme scientifique et accepter cette idée, le temps du film. Je m'étais ainsi préparé pour ne pas facepalmer sans raison, comme quand je mate un X-Men où l'on me raconte qu'un gène mutant peut permettre de contrôler des tornades. Et pourtant Luc Besson a quand même réussi à me faire sortir de son film. Il est très très fort.
Plastiquement il ne me pose pas de soucis. Les couleurs sont chaudes, le montage dynamique, l'histoire progresse vite, et puis il y a Choi Min-Sik quoi. Il pourrait danser le gangnam style qu'il aurait quand même la classe. Le chef mafieux qui en impose direct en une seule réplique de deux syllabes, même quand on ne comprend pas le coréen. Rien que pour lui, je pense n'avoir pas perdu mon temps. Parce que pour le reste, je me suis senti complètement extérieur au film. Déjà les inserts animaliers, c'était quand même assez grossier, sans compter la référence à la Lucy préhistorique qui tombe dans la conversation comme un cheveu dans la soupe. Subtilité zéro. Bon, on ne va pas se fermer au film pour si peu. Il faut plus qu'une ou deux bêtises de ce genre pour gâcher mon expérience.
Scarlett Johanson récupère ses pouvoirs, la fête peut commencer. On va assister à l'évolution progressive de ses pouvoi... wow, comment ça se fait qu'elle arrive à lire le Taïwanais ? Je veux dire, qu'elle lise un bouquin de cours en accéléré pour tout apprendre en deux secondes, je veux bien, mais là elle n'a même pas eu de bouquin sous les yeux. Elle voit 3 symboles, pouf elle sait ce qu'ils signifient. Puis elle arrive à deviner la présence des truands derrière la porte sans même les voir. Ok Morgan Freeman nous avertit qu'elle pourrait avoir accès à une sorte de sonar avec son histoire de dauphins, mais il n'a pas suggéré que ça puisse traverser les portes juste comme ça. Ni qu'elle puisse savoir ce qui se trouve sur un bureau à Paris. Ni qu'elle puisse sentir les cellules des gens ou se souvenir de trucs qui n'ont pas été sauvegardés par le cerveau, comme sa naissance. Si tu voulais nous sortir des trucs pareils Luc il fallait nous les amener mieux que ça, parce que là ça sort vraiment trop vite et de nulle part. D'un coup je me suis bloqué en me disant "Mais non, ça n'a pas de sens ses pouvoirs !" alors que je pensais que ça passerait crème, c'est quand même dingue. Tout ça juste juste parce que c'est allé trop vite, pas le temps de nous montrer Lucy qui se rend compte de ses nouvelles capacités ni de nous les faire accepter. Je savais qu'il y aurait de la télékinésie dans le film, mais j'espérais quand même qu'il y aurait un truc pour nous présenter ça. Les réactions de l'héroïne sont d'ailleurs trop froides pour qu'on ait l'impression qu'elle découvre ses compétences, on dirait qu'elle les a toujours eu et qu'ils vont de soi, ce qui n'aide pas à l'adhésion. Et puis ce dialogue avec la maman qui aurait dû se montrer émouvant se plante complètement. Pourtant la détresse de Lucy, qui se retrouve avec une conscience trop grande pour une humaine, a un potentiel monstre. Mais quand elle parle de certains souvenirs (ceux qui auront vu le film comprendront), on a envie de la secouer pour lui dire d'arrêter de raconter des trucs qui ne peuvent que foutre mal à l'aise sa maman. Besson et la subtilité. Tu pouvais pas choisir un exemple moins ridicule pour montrer l'overdose d'informations que subit Lucy ?
Et voilà, je suis sorti du film à cause de préliminaires ratés. A partir de là, c'est foutu. Les scènes qui sont sensées être classes ne peuvent plus marcher parce que je n'y crois plus. Quand Lucy va revoir Choi Min-Sik, on a une mise en scène très travaillée qui a de quoi donner des frissons à ceux qui ont adhéré au délire. Les autres regardent ça avec dédain, sentant que Besson se la pète grave avec sa musique et sa Lucy qui marche au ralenti, un flingue dans chaque main (so badass), les bras légèrement écartés (so badass), la chemise qui vole au vent alors qu'on est en intérieur (THIS. IS. BAAADAAAAAAAAAAASS !), tuant les gens avec flegme. Je ne peux même pas avoir vraiment peur pour elle puisqu'elle est complètement cheatée. C'est Dieu sur Terre, y a rien qui peut l'atteindre, sauf durant une scène, mais on ne comprend tout simplement rien à ce qui lui arrive et puis c'est bon, elle repart comme en 40. Si Lucy était devenue une menace, là il y aurait eu de l'enjeu. Mais non, c'est l'héroïne qui ne peut pas se faire descendre. On nous fait quand même une course-poursuite en voiture, mais l'attention n'est plus là. De toute façon elle est quasi immortelle et les seconds rôles sont trop superficiels pour qu'on s'y attache. Les évènements se suivent sans enthousiasme, malgré le compte à rebours de 24 heures les enjeux sont tout simplement trop faibles. Besson tente de finir sur un délire psychédélique, je n'ai même pas la force d'analyser cette partie tant le film m'a blasé.
Il m'est arrivé quelque chose de rare durant un film vu au cinéma, voire même unique : j'ai hésité à sortir de la salle en plein milieu. Au bout d'un moment, on sait qu'il est trop tard pour qu'un film arrive à nous convaincre. Une fois que l'on n'est plus dedans, la partie est terminée. On ne peut plus voir les éventuelles qualités du long-métrage, on finit même par s'inventer des défauts et à juste casser toutes les scènes qui viennent. Si j'avais su mieux me préparer à ce qui allait arriver, est-ce que j'aurais mieux accepté le film au point d'y voir un chef-d’œuvre comme quelques autres personnes ? Peut-être. Là je ne vois qu'un projet au potentiel gâché par de grosses maladresses narratives, des choix de traitement peu judicieux (la quête de Lucy m'a complètement indifféré) et un personnage pas assez humain ou pas assez divin (fallait choisir : soit elle est indifférente aux microbes humains, soit elle est horrifiée par ses pouvoirs trop puissants, on ne fait pas un mix des deux). Une autre erreur de Luc Besson a été de se servir de l'histoire des 10% de cerveau utilisables pour justifier les pouvoirs de Lucy : finalement n'importe quel autre prétexte idiot aurait pu marcher, on n'aurait ainsi pas été perturbé par le rapport incongru entre l'intelligence et les super pouvoirs. Préférez donc Watchmen, le Dr Manhattan est une Lucy bien plus réussie à tous les niveaux.
Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste -C'est nul parce que -TA GUEULE !
Créée
le 9 déc. 2014
Critique lue 451 fois
2 j'aime
6 commentaires
D'autres avis sur Lucy
Nuit. Tisane terminée. Film terminé. Gothic ôte son casque à cornes pour s'essuyer la joue tant il pleure d’admiration. Nomé(nale) quant à elle s'empresse de fuir pour cacher ses larmes de...
Par
le 7 déc. 2014
276 j'aime
53
Luc Besson entre gentiment dans l’adolescence. A vue de nez, il a 13 ans. Ses cours de Science de la Vie et de la Terre l’intéressent beaucoup. Il y a quelques temps, il s’est mis à faire des...
le 8 août 2014
264 j'aime
90
Lucy est un film qui mérite d'être défendu. Parfaitement. Parce que mélanger The Tree of Life, Samsara, 2001 l'odyssée de l'espace et Taxi, c'est d'une ambition qui frôle l'inconscience. Lucy mérite...
Par
le 23 oct. 2014
227 j'aime
37
Du même critique
Des mini-divulgâcheurs se sont glissés dans cette critique en se faisant passer pour des lignes normales. Mais ils sont petits, les plus tolérants pourront les supporter. Seven Sisters est l'exemple...
Par
le 2 sept. 2017
95 j'aime
9
Cette critique s'adresse à ceux qui ont vu le film, elle est tellement remplie de spoilers que même Neo ne pourrait pas les esquiver.On nous prévenait : le prochain Matrix ne devrait pas être pris...
Par
le 27 déc. 2021
73 j'aime
3
Vous qui avez suivi peut-être malgré vous le feuilleton du Snyder Cut, vous n'avez sans doute pas besoin que l'on vous rappelle le contexte mais impossible de ne pas en toucher deux mots. Une telle...
Par
le 19 mars 2021
62 j'aime
4