L'amour est la première victime de la guerre

On avait tant fait de foin au sujet du cru 2008 d’Ang Lee, et de ses scènes de baise explicites incluant une superstar (Tony Leung Chiu-Wai, Infernal Affairs, 2046), qu’un bien mauvais pressentiment avait fini par saisir le cinéphile rôdé aux pétards mouillés. Lust, Caution, son cul, son faste, sa reconstitution, sa distribution, tout. Des préjugés, plein. A la sortie de salle obscure, un seul mot : impressionnant. Impressionnant dans son fond, d’une richesse thématique et d’une finesse rarissimes dans les genres abordés au cinéma (asiatique), dans son habileté à ne tomber dans aucun des pièges sur lesquels tout le monde pariait, mais aussi dans sa forme, à poil ou habillée, par la grâce d’un cinéaste et d’acteurs transfigurés. Amer, poignant, érotique et massif, doté d'un final aussi cruel que bouleversant, le premier chef d’œuvre d’Ang Lee est un des films asiatiques phares de la décennie… et il l'assume au premier degré dans toute sa confortable longueur, avec une élégance irrésistible.


De Hong Kong à Shanghai, dans la tourmente de l’occupation nipponne durant la Seconde Guerre Mondiale. Avide de justice, un groupe d’étudiants patriotes décide de monter un plan visant à assassiner M. Yee, un des chefs de la collaboration avec les Japonais (Tony Leung Chiu-Wai, dans un rôle de salaud torturé magnifique). Pour ce faire, ils comptent sur les charmes d’une des leurs, Wong Chia-Chi (Tang Wei, premier rôle, certainement pas le dernier), pour gagner la confiance de l’infâme et ainsi lui faire baisser sa garde. Mais tout ne se passe pas comme prévu, et il leur faut attendre trois longues années d’occupation pour que le groupe lui mette à nouveau la main dessus, et que les amants manipulateurs tombent (vraiment) amoureux l’un de l’autre.


L’affirmation aurait, il y a quelques années, fait sourire poliment : en 2008, Ang Lee, le brave garçon d’honneur salé-sucré sans "patte" notable, aux films habituellement surévalués, réussit là où Lou Ye (Suzhou River, Une Jeunesse chinoise), l’artiste passionné, s’est royalement planté avec le confus Purple Butterfly. On est content pour lui : après de bons films encensés plus que de raisons par la critique (Tigre et Dragon parce qu’il montrait des Chinois qui sautent partout, Brokeback Mountain parce qu’il montrait des cowboys gays qui se sautent partout), et des ratages tenant davantage de la regrettable erreur (Hulk, Chevauchée avec le Diable), le cinéaste tient enfin son premier grand film, grand à l’échelle (à géométrie variable, il est vrai) de l’histoire du septième art.


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ScaarAlexander
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le 12 juil. 2013

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Scaar_Alexander

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