Des sous-entendus sexuels qui rendent le film extrêmement moderne



Le cinéma de l’âge d’Or réserve toujours des surprises. Tout simplement parce qu'il représente, ne serait-ce que symboliquement, la vie de nos grands-parents. Comment dès lors imaginer qu'ils ont été jeunes, eu des amants ou une sexualité ? Nous sommes tellement attachés à l'idée de progrès qui, comme le dit Frank Herbert « n’est qu’un mécanisme de protection contre les terreurs du futur », que nous croyons vivre un âge d’or de liberté sexuelle alors que nos parents et grands-parents se seraient contentés d'un missionnaire hebdomadaire*…


Il suffit pourtant de voir Ma Femme est une Sorcière, un film de René Clair, exilé à Hollywood à cause de la guerre, pour comprendre que ce n'est pas le cas. Le pitch lui-même est délicieux : des sorciers (père et fille) brûlés à Salem en 1690 voit leurs cendres emprisonnées sous un arbre. Avant de mourir, ils maudissent leur accusateur puritain, un certain Wooley, en promettant l’enfer conjugal, pour lui et ses descendants. La malédiction se vérifie à travers les âges, mais en 1942, un éclair bien placé abat l’arbre et libère les sorciers, qui se réincarnent bientôt en Daniel, père alcoolo (Cecil Kellaway) et Jennifer, la beauté fatale (Veronica Lake, vingt ans et toutes ses dents).


Ils n’ont désormais qu’un seul but : se venger du Wooley actuel (Fredric March, qui joue tous les Wooley). Celui-là n’a pas l'air bien méchant : il est candidat au poste de gouverneur et va épouser la brune Estelle, fille de son principal soutien (excellente Susan Hayward). On sait déjà que ce mariage est malheureux, malédiction oblige, mais que se passera-t-il si la blonde Jennifer tombe amoureuse de sa victime, ce qui va évidemment être le cas ? Une délirante suite de quiproquos, qui fait penser aux modernes héritiers Working Title (4 Mariages et un Enterrement, Coup de Foudre à Notting Hill…), et qui va donner lieu à toutes sortes d’affrontements entre sorciers, gouverneurs, gendre, mariée, et futur(s) beau-père(s). Ma Femme est une Sorcière est aussi la très nette influence de Ma Sorcière Bien Aimé, le sexe en moins…



Car ce sont les sous-entendus sexuels qui rendent le film extrêmement moderne : on verra ainsi Veronica Lake entièrement nue, (sous un manteau de fourrure) descendre une rampe d'escalier sur les fesses en trouvant ça très agréable, puis caresser négligemment … un chaton posé sur ses cuisses ! C'est du Howard Hawks en moins pointu, mais c'est parfaitement réjouissant.



* Lire Guerre, le « roman inédit » de Céline qui parait ce mois-ci, est très éclairant sur ce sujet… en 1914 !



https://www.cinefast.com/?p=6020

ludovico
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le 19 juin 2022

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le 19 juin 2022

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