Le cinéma frelaté (ou frauduleux, diront les mauvaises langues…) d'Hirokazu Kore-Eda, qui ne possède aucune émotion en propre, et tente donc de les générer à grands renforts de plans fixes sur des personnages isolés, de dos, etc. On ne saurait toutefois lui enlever un réel talent pour la composition des plans, même s’ils sont, dans le fond, très académiques.
Les scènes dans Osaka m’ont fait penser à du Kawase en plus monotone. Les vingt premières minutes sont sans doute les plus captivantes. Les dialogues sont très limités, les personnages se révèlent à reculons ; une sorte de légèreté mystérieuse plane sur eux. L’héroïne semble comme échappée d’un Hong Sang-soo primitif : pleine de joie, sautillante, elle se heurte systématiquement à son monolithe de copain dont on devine déjà le funeste destin.
Tout le reste de Maborosi est peu ou prou inintéressant car superficiel, construit, mais voulant malgré tout se donner un air de naturel. Or Kore-Eda est un peu l’anti-Kawase ou l’anti-Suwa quand il s’agit de filmer une famille avec un air naturel. Il ne sait pas le faire. Il dresse simplement un théâtre Potemkine devant la caméra, donne à ses acteurs des lignes de dialogue fadasses et doit sûrement faire des dizaines de prises jusqu’à ce que le résultat soit conforme à ce qu’il a en tête.
Il n’y a pas de place laissée au hasard, à l’incongru dans son cinéma. Même les scènes qui s’y prêteraient bien (les enfants qui jouent en montagne par exemple) n’ont aucun pouvoir émotionnel car elles paraissent tout à fait artificielles, dans le fond comme dans la forme, sans surprise aucune. Et ce ne sont pas les plans séquences à rallonge qui donneront au film une quelconque consistance ; il manque pour cela de la violence, des pleurs, une rage sans cesse refoulée mais qui devrait au contraire exploser, car il ne peut y avoir de renaissance sans que ne meure ce qui est arrivé avant.
Je pourrais facilement citer une demi-douzaine de films japonais qui réussissent bien mieux sur ce créneau de la reconstruction d’une personne après un suicide que Maborosi. Je pensais pourtant que les premiers films de ce cinéaste, aujourd’hui si apprécié des milieux de la critique mainstream, possèderaient quelque pureté virginale qui fût par la suite contrite pour les besoins du box-office et des festivals. Que nenni, Kore-Eda est un incapable… Pétri de bons sentiments, probablement, mais un incapable notoire quand il s’agit de faire un film vrai.