Grand classique de William Shakespeare, « Macbeth » a connu bon nombre d’adaptations sur grand écran. Il faut avant tout souligner le caractère audacieux de celle-ci, signée Orson Welles. Non contente d’être la première adaptation de « Macbeth » au cinéma parlant, l’acteur/réalisateur s’est permis des libertés qui paraissent aujourd’hui anecdotiques pour une transposition du théâtre vers le cinéma, mais qui étaient culottées en 1948. Modifications de dialogues, ajouts/suppressions de personnages, représentation graphique de certains meurtres ou affrontements (même si la majorité reste hors-champ) : des audaces qui déplairont fortement à la critique très conservatrice de l’époque !


Cette réception négative est d’autant plus injuste que Welles a travaillé ici avec des moyens très limités. Un tournage effectué en une vingtaine de jours, des dialogues préenregistrés, des costumes pour la plupart loués… Si ce manque de budget est parfois criant (de son propre aveu, Welles est affublé pour ses dernières scènes d’un accoutrement qui le fait ressembler à la Statue de la Liberté !), l’acteur/réalisateur est parvenu à en tirer le meilleur.


A l’image des tirades shakespeariennes clamées par l’accent écossais rocailleux des acteurs, les décors sont arides et minéraux, donnant l’impression d’un cauchemar primitif se déroulant dans des cavernes. Mais cela s’accorde très bien à l’ambiance presque expressionniste du long-métrage, qui joue avec les ombres et les expressions hallucinées de ses acteurs, dont Orson Welles lui-même, pleinement impliqué dans le rôle-titre.


Et évidemment, l’intrigue de « Macbeth », fable sur l’ivresse du pouvoir et la corruption de l’âme, est toujours passionnante, et pleinement appropriée pour un passage au grand écran. Soyons honnête, cette version n’est pas la plus graphique, et demeure relativement abrupte (l’histoire débute directement avec la prophétie des sorcières, des éléments clés ne sont évoqués que par dialogue). Elle n’est donc pas forcément la meilleure à découvrir au cinéma pour ceux qui ne connaissent pas la pièce, à qui on recommandera plutôt de commencer par celle Polanski, de Kurzel… ou même la transposition au Japon féodal par Kurosawa !


Néanmoins, il s’agit d’une œuvre importante, qui a allègrement pavé le chemin à ses successeurs.

Redzing

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