Froid comme la glace, rouge comme le sang.

Avant d’être engagé sur le projet de l’adaptation du jeu vidéo Assassin’s Creed en fin d’année, le réalisateur australien Justin Kurzel, encore très méconnu, s’est attaqué à l’adaptation d’une des plus célèbres pièces de William Shakespeare avec celle de Roméo et Juliette et d’Hamlet. Mais sa faible distribution dans les salles françaises n’a pas aidé Kurzel à se faire davantage connaître.


Macbeth qui raconte l’histoire d’un homme promis à devenir roi d’Ecosse a connu divers adaptation au cinéma, que ça soit la version d’Orson Welles, celle de Roman Polanski ou même une version japonaise proposé par Akira Kurosawa avec Le château de l’araignée. De même pour d’autres œuvres de l’écrivain tel que la version de Roméo et Juliette par Baz Luhrmann ou Hamlet par Kenneth Branagh. Et s’attaquer à une œuvre d’un auteur aussi renommé et dont les pièces sont considérées, pour beaucoup, comme des chefs d’œuvres, c’est toujours une entreprise très délicate. Entre reprendre ou non les dialogues au contexte du film, ou retoucher l’intrigue de la pièce sur le papier, rien n’est simple et on peut s’attendre à tout.


Ceci étant dit, Macbeth permet déjà de se faire une première impression sur la qualité à venir en termes d’esthétisme et d’imagerie venant de Justin Kurzel, y compris en terme d’écriture. La principale impression qui me passe par la tête après avoir vu cette vision de Macbeth de la part du cinéaste est : perfectible, sur plusieurs points, mais il en ressort une vraie volonté de proposer une version personnelle de la pièce.


Et pourtant ce film peut facilement être critiqué dans son choix premier par rapport à la pièce : celle de conserver les dialogues Shakespearien mot pour mot. Et quand on voit à quel point le décalage rendait plusieurs passages ridicules dans la version Luhrmann de son Roméo et Juliette à cause de son contexte totalement modernisé, ça fait pas envie. Sauf qu’ici, l’histoire se déroule à l’époque médiévale, qui se prête bien plus à ce genre de dialogue que le film de Luhrmann. Et cela donne une version plus authentique de l’histoire globale de l’œuvre, et certains passages fonctionnent très bien, notamment celle avec les sorcières.


Mais on n’échappe pas à des situations trop théâtralisé pour le format cinéma, surtout à cause des monologues des personnages lorsqu’ils sont seuls et que ces dialogues sont souvent trop long en plus d’en faire par moment trop pour pas grand chose. Ceux de Macbeth étant l’exemple le plus évident puisqu’il se parle lui-même comme un acteur sur une scène pour parler de son hésitation à tuer le roi.
Le pire reste lorsqu’il doit se laisser emporter par sa paranoïa et sa colère lors de la scène du repas devant tout ses invités et qu’il expose devant Lady Macbeth et tout l’auditoire avec l’écho de ses paroles qui raisonnent : toute la scène fonctionne comme une pièce de théâtre puisque seul Macbeth, sa femme et l’assassin au service de Macbeth semble réagir réellement et que le reste de l’auditoire et cloué sur place comme vide de vie, l’impression n’en est que plus bizarre.


Mais à son crédit, ces dialogues souvent longs et trop théâtral sont sauvés par la performance du casting, deux d’entre eux en particulier. Le premier étant Michael Fassbender qui se montre à la fois brillant et habité par le personnage de Macbeth et l’interprète avec beaucoup d’intensité, son personnage étant très bien traité et fidèle à ce que la pièce décrit sur le personnage. Et la seconde Marion Cotillard en Lady Macbeth, tout aussi intense, qui prouve de nouveau que sa mort ratée dans The Dark Knight Rises n’était qu’un accident exagéré par les fanboys, l’actrice est non seulement magnifique de vanité mais aussi d’impuissance dans la seconde partie. Cela est de très bon présage pour leur retour derrière la caméra de Kurzel dans Assassin’s Creed.


David Thewlis interprète le roi Duncan pour un court moment mais remplit bien sa part du contrat. Jack Reynor et Sean Harris ne déméritent pas non plus et d’une manière générale, tout le casting était très bien dirigé, acteurs enfants compris.


Après c’est dans la mise en scène que le travail était perfectible venant de Kurzel : beaucoup de plans larges magnifiques pour les paysages écossais et du travail assez soigné pour les combats ainsi que certaines scènes de dialogues, mais des effets de styles et de slow-motion plus que dispensable, rien que pour la bataille entre les hommes de Macbeth et ceux de Macdonwald pouvaient se passer de ces super ralentis plus destiné à sublimer l’image qu’autre chose au lieu de laisser le combat s’engager pleinement. Un peu de plan-plan qui était évitable et la caméra à épaule lors de certains dialogues qui n’apporte pas grand-chose au final. Si les teasers de Assassins’s Creed promettent une belle amélioration à ce niveau, on espère qu’elles seront présente comparé au travail sur Macbeth, assez appréciable mais pourtant améliorable.


Heureusement, la plus grande force de cette version de Macbeth est l’ambiance constamment dégagé par le film grâce à trois éléments. La musique de Jed Kurzel qui, s’il n’est pas très agréable en écoute simple sans les images, renforce un sentiment de pesanteur assez puissante qui est dégagé par la froideur, totalement assumé, de cette vision de Macbeth. Froideur qui ressort avant tout de l’imagerie du film vraiment très belle à contempler : les prises de vues que les paysages écossais, le travail apporté aux éclairages, ainsi que sur la photographie et les scènes optant pour un filtre ou un autre, une véritable atmosphère glacial prend forme dans cette histoire de traîtrise et de paranoïa et ne part pas une fois qu’elle est installée.


Le final est un excellent modèle de ce que Justin Kurzel peut faire de surprenant lorsqu’il est inspiré. Les images des bois de Burnham embrasée, face au château, renforcés par le filtre rouge de la photographie sont sublimes à voir, que ça soit par la fumée ou l’éclairage, et surtout avec les nuances de couleur orangé et jaunâtre sur certains plans dans la photographie. L’affrontement final


entre Macbeth et Macduff


est pas loin du sans faute, sanglante et très brutale sous les yeux des spectres des visions de Macbeth et des sorcières, en plus d’être bien filmé et bien monté, rendant le dénouement final de ce film très réussi, y compris dans ses dernières secondes.


Tout cela fait de cette vision de Macbeth une version loin d’être dénué d’intérêt et à découvrir, surtout pour un fan des adaptations de William Shakespeare au cinéma. Même si il était possible de faire mieux sur plusieurs points. Nous verrons bien si Justin Kurzel s’est perfectionné dans son travail avec la future adaptation d’Assassins’s Creed au cinéma en fin d’année. On y croit.

Maxime_T__Freslon
6

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Classement personnel des films de 2015 et Les meilleurs films avec Marion Cotillard

Créée

le 28 juil. 2016

Critique lue 476 fois

11 j'aime

11 commentaires

Critique lue 476 fois

11
11

D'autres avis sur Macbeth

Macbeth
Velvetman
7

Valhalla rising

L’odeur putride de la mort envahit Macbeth dès sa première séquence. Mort à qui on couvre les yeux sous les ténèbres d’une Ecosse vide de cœur, à l’horizon de ces longues plaines neigeuses. Justin...

le 19 nov. 2015

68 j'aime

7

Macbeth
Gand-Alf
8

Maudite soit cette langue qui murmure à mon oreille.

C'est peu de dire que cette nouvelle adaptation de la célèbre pièce de William Shakespeare, signée par Justin Kurzel, cinéaste remarqué grâce au tétanisant Snowtown, me donnait envie. Casting...

le 19 nov. 2015

49 j'aime

15

Macbeth
EIA
4

Rise and Fall of Macbeth

Ca doit faire plus d'un an maintenant que j'attends la sortie de Macbeth. Shakespeare, l'une de ses plus grandes pièces, en anglais dans le texte, ET avec Michael-Blue-Eyed-Fassbender! Comment...

Par

le 20 nov. 2015

25 j'aime

6

Du même critique

Les Animaux fantastiques
Maxime_T__Freslon
5

Dans la continuité de ses prédécesseurs... mais pas pour le meilleur.

EDIT ! Y’avait autant de raison d’être enthousiaste et heureux de voir la saga sur le sorcier à lunette au cinéma que d’être inquiet et sceptique quand on voit la politique actuelle des studios...

le 18 nov. 2016

91 j'aime

15

Bohemian Rhapsody
Maxime_T__Freslon
4

God save the Queen !

Queen et le cinéma, c’est très loin de se limiter qu’à ce projet de biopic autour de son chanteur Freddy Mercury et de l’émergence du groupe au cours des années 70. La présence du groupe passe tant...

le 31 oct. 2018

82 j'aime

27

Blade Runner 2049
Maxime_T__Freslon
8

Loneliness and birth !

Dans la grande catégorie des suites tardives ou exploitation de licence qui n’ont pas été demandé, on peut trouver beaucoup de films qui ont vu le jour à l’aube de ce vingt-et unième siècle et...

le 4 oct. 2017

75 j'aime

4