L'humanité a mal évolué. Quelque chose est venu perturber notre marche vers l'avant, un cheveu ou un grain de sable s'est pris dans l'engrenage. Non, ce n'est pas exagéré, il suffit d'ouvrir les yeux sur certaines choses, comme cette mode du "Rodriguez est un amateur de cinéma de genre". Comment en est-on arrivé là, alors qu'il suffit de regarder Desperado pour comprendre à quel point ce réal est une aberration ? La réponse est simple : le buzz, la mode, les on-dit. Mais ce genre de réputation, colportée par un public qui n'aime le genre qu'à travers une communication qui lui dit quoi regarder, quoi aimer, ce qui est cool ou pas, ne bernera jamais le vrai amateur de péloche burnée, de celui qui crache sans vergogne sur le récent Predators, ou celui qui en a ras le bol d'entendre "t'es un geek, va voir Scott Pilgrim".

Le vrai amateur de cinéma, donc, ne s'est pas laissé berné par les effets "cool" de pellicule usagée, immonde attrape-nigaud. Il continuera, tout comme à la sortie de Planet Terror, de pester contre un montage tout simplement gerbant. Le mot n'est pas assez fort, mais on manque d'adjectifs pour qualifier une telle catastrophe. Aucune logique visuelle n'est respectée, à croire que le monteur n'a absolument aucun talent. Et quand on y regarde de plus près, qui occupe ce poste ? Le grand Robert Rodriguez bien évidemment, et sa femme, couple de loosers artistiques qui, espérons le, auront réussi à trouver un meilleur liant dans des lieux plus intimes.

Bien entendu, le public visé, on aura compris qu'il s'agit principalement de gens totalement étranger à la notion de cinéma de genre, s'écrira "éh mais on s'en fout, tant que c'est fun, que ça charcle, et qu'il y a Danny Trejo". A exigences au ras des pâquerettes, résultat analogue, car oui les séquences d'action sont fun, pour peu qu'on soit armé en doliprane tant le montage est épileptique et illogique, mais qu'est-ce qu'on se fait chier entre deux. Rodriguez rend une copie d'une heure quarante-cinq quand, au bas mot, il aurait largement pu se contenter d'une heure dix. Soit une demi heure tout simplement insupportable de blabla sans aucun intérêt, avec une mise en scène d'une pauvreté affligeante. Mais c'est pas grave, c'est fait exprès...

Et là on arrive à ce qui est le plus détestable dans l'oeuvre de Rodriguez, mais aussi celle de ses compères, Tarantino et Roth en tête. Comment peut-on affirmer être en face du film d'un passionné quand ce dernier le fait en rendant un métrage aussi mauvais ? Il y a là une logique qui m'échappe. On pourra me répondre, le plus innocemment du monde "mais c'est parce que les films auquel il rend hommage sont eux-même nuls". Bel amour du cinéma de genre, donc.

A ce constat déjà peu brillant, on ne peut passer sous silence l'imbécilité avec laquelle Rodriguez s'empare d'un soucis réel, ici l'immigration mexicaine. Le conflit américano-russe d'un Rocky 4 était traité avec plus de pertinence, c'est dire. Encore une fois, on me dira "mais on s'en fout, c'est juste pour le fun.". Oui, ce serait vrai seulement si ça ne prenait pas autant de place à l'écran. Un tiers du film développe ce... petit délire du réal, c'est trop, et ça bousille, encore une fois, toute la partie que Rodriguez aurait voulu fun.

Malheureusement, on ne peut pas non plus compter sur la distribution pour hausser le niveau. Outre le fait que la plupart des acteurs sont en totale roue libre, pour cause d'absence criante de direction, on pourra aussi reprocher l'analogie de presque tous les personnages avec les canons du cinéma de genre. Ca va jusqu'à se retrouver face à des clones de certaines figures issues de... Kill Bill ! Pire, c'est même toute une séquence, celle de l'église, qui fait furieusement penser au dyptique de Tarantino, et ça il fallait le faire. On savait le père Quentin très imbu de lui-même, au point de s'auto-citer au détour de certaines séquences, on pourra dorénavant dire la même chose pour Rodriguez.
Quand au rôle principal, même si ça fait toujours plaisir de voir Trejo et sa trogne défoncée, on peut aussi se demander s'il est fait pour être totalement sur les devants de la scène. Alors qu'il fait fureur, à juste titre, dans des seconds rôles où il peut apporter tout son charisme naturel, sa présence, ici il est tout simplement fantomatique. La faute lui en incombe-t-elle totalement ? Rien n'est moins sûr tant la direction de comédien de Rodriguez est catastrophique (coucou tu ne fais rien et je te filme en contre-plongée hihi). On peut toujours rappeler qu'il est nul autre que le cousin de Rodriguez, ce qui explique ses apparitions systématiques dans chacun de ses films, mais le niveau est tellement bas dans ce Machete que les raisons doivent se trouver derrière la caméra.

Au milieu de ce naufrage complet surnagent quelques moments d'humour bien vus, la première séquence est plutôt lisible et compréhensible, ce qui ne sera plus jamais le cas par la suite il faut être clair. C'est terriblement insuffisant. Mais ce qui fait peur dans tout ça, ce n'est pas tant le film daubé que les applaudissements d'un public complètement acquis à la cause de Rodriguez. Vu le niveau zéro qu'il représente, ça fait peur.


Edit : je baisse la note à 2.

Re-Edit : Il faut aussi rétablir une vérité, puisque le passage du smartphone caché dans... l'intimité d'une femme a l'air de beaucoup surprendre : passage totalement pompé sur IZO, de Miike. Voilà, comme pour Tarantino, rien de plus agaçant de voir un réal voler les idées des autres et recueillir tous les suffrages. La culture n'est pas le marketing, sortez des sentiers battus !
Bavaria
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le 8 déc. 2010

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