Mad good !

J’ai vu beaucoup de films, je ne dis pas ça pour me vanter ou étaler ma culture, que je n’ai d’ailleurs pas. Non, c’est juste que dépassé un certain nombre de films au compteur on commence à connaître les ficelles, à deviner ce qu’il va se passer, à voir les trucs utilisés, que dire, usés jusqu’à la corde pour rendre un film crédible auprès du public. Dès lors, beaucoup deviennent fadasses, déjà-vu, sans réelle surprise même si un ou deux aspect peuvent rattraper un convenu qui est devenu la règle. J’envie encore les ados d’aujourd’hui qui ont devant eux des heures d’extases et de découvertes filmiques jusqu’à qu’ils soient, comme moi, un peu blasés devant le manque cruel d’originalité du cinéma mainstream. Non pas qu’il ne soit pas agréable parfois, et je suis bon public, mais un vieux routard du cinoche finira forcément par rechercher quelque chose ayant plus de peps, d’originalité. Comme ce n’est plus trop monnaie courante ces temps-ci, on peut se tourner vers le ciné du début du 20ème siècle ou bien vers des trucs « alternatifs » comme justement Mad God.

Je ne vous raconte pas la genèse du film, d’autres critiques ont su très bien le faire. Il faut juste savoir que Phil Tippett est loin d’être un inconnu et encore moins un « Mickey » dans le milieu du ciné. En revanche, je vais vous parler du film, un long métrage muet, à l’ancienne avec simplement de la musique et des images. « Pas » de scénario, tout du moins on ne vous prend pas par la main. Aucune indication d’où vous êtes, à quel moment, ni de qui sont les « personnages ». Vous êtes jeté dans le bain, sans gilet de sauvetage et contraint à suivre cette histoire avec votre propre imagination. Parce que ce qu’il y a de fantastique avec ce genre de film, comme c’est aussi le cas avec le Alice de Jan Švankmajer, c’est que vous devez trouver votre chemin au travers de ces images qui, pour le spectateur lambda, ne serait qu’horreur ou ennui. Mad God est l’un de ces films qui a le génie de ne pas tout vous dire et de laisser votre contemplation faire le boulot. Dans le cinéma, qui prend le spectateur par la main pour que l’on soit sur qu’il comprenne bien le propos, tout est souvent guidé, formaté et si cela peut-être reposant parfois j’ai quand même la conviction que notre imagination s’atrophie en ne laissant aucun mystère planer. Mad God fait le contraire, il vous montre bien des images, formidablement accordées avec une bande son qui vous prend aux tripes. Mais rien n’est contextualisé, rien n’est expliqué. C’est à vous de faire le travail intellectuel pour prendre plaisir à regarder ce film dantesque !

Au-delà de tout aspect technique et notamment la stop motion utilisé dans 80% du film, ce sont les images, la photo, les couleurs et la façon d’animer tout cela qui sont fantastiques. L’interprétation que l’on peut avoir de tout ça peut être très différente d’une personne à l’autre. Certains seront horrifiés par une imagerie proche du cauchemar parfois, tandis que d’autres seront littéralement fascinés par autant de maestria visuelle ! Je me suis cru dans un remake de l’Aventure Intérieure, dans un corps humain (ou tout mammifère en fait) ou les cellules tel des Lemming travaillent inlassablement et meurent comme des merdes au milieux de tout ce fatras organique. On passe du système digestif industriel à la maladie ou la guerre gronde, du cortex avec le maître des lieux au système limbique avec également son tenancier. Tous deux communiquent par messagers interposés. Puis il y a la fécondation, la division cellulaire… c’est la création de la vie tel un microcosme qui nous donne l’image de notre monde.

Mad God à forcément emprunté à Eraserhead de David Lynch dont les visuels, l’ambiance et le contemplatif sont extrêmement similaires. Mad God est construit sur cette même idée d’images et de sons avec peu de parole, mais aussi un imaginaire débridé, qui semble de prime abord sans aucun sens, mais qui en dit plus que n’importe quelle production avec des super héros. Mad God c’est une claque dans la tête à toi et peu importe ce que tu auras compris de ce bel ouvrage, le plus important est qu’il est provoqué chez toi des émotions ! Parce que la signature d’une œuvre réussie c’est que peu importe le spectateur, sa culture ou sa sensibilité, elle saura toucher quiconque aura eu la curiosité de se jeter à corps perdu dans ce magnifique film. Soyez sûr que, quoi qu’il arrive, vous ne serez pas insensible à Mad God, laissez-vous porter et profitez du voyage !