(cf: le mot en titre veut dire "mademoiselle en Japonais) En compétition pour la palme d'or au dernier festival de Cannes l'année dernière et jouissant d'un succès critique sans précédent, je dois dire que tout ces avis plus positifs les uns que les autres ont attisés ma curiosité quand à ce film coréen. De manière général, je suis plutôt bon spectateur du cinéma Asiatique, j'éprouve une fascination que je n'ai pas pour les films Français, Américains et autres; je trouve que ces films ont toujours une sorte de voile mystérieux envoûtant.
L'Histoire de "Mademoiselle" nous entraîne dans les années 1930, au moment de la colonisation de la Corée par le Japon, Sookee, jeune Coréenne d'une famille modeste est envoyée au Japon avec la mission d'être la domestique loyale d'Hideko, riche demoiselle de rang noble vivant sous la tutelle d'un oncle tyrannique. Lorsque Sookee apprend que sa maîtresse doit épouser un riche conte Japonais, elle organise dans l'ombre un plan afin de détourner la demoiselle de sa destinée. Voilà pour le pitch global.
Qu'est ce que j'en pense....c'est un sentiment assez difficile à expliquer qui m'a envahit à terme du visionnage de ce film; Mademoiselle est typiquement ce genre de film qui a un impact, qui vous fait effet, ce genre d'effet qui se caractérise par un long silence durant lequel on est amené à réfléchir, à se remettre de toutes les émotions qui nous ont traversées tout du long. Pour moi, "Mademoiselle" fut une jolie claque cinématographique ! Une expérience qui me donne l'impression d'en ressortir en ayant appris quelque chose. A travers cette histoire, Park Chan-wook nous livre ici une romance psychologico-érotique vraiment poignante et riche de pistes de réflexions !
A commencer par l'histoire, vraiment bien tissée, maîtrisée à 100% du début à la fin !
Ce qui est vraiment bien c'est la structure narrative du film; le réalisateur nous montre la profonde relation unissant Sookee et Hideko en utilisant une structure en flashback. Via le flashback, Park Chan-Wook parvient à mettre autant en valeur la servante que la Demoiselle. Nous avons d'abord droit à l'histoire du point de vu de Sookee/Tamako (son nom en Japonais) dans ses tâches de domestique quotidienne et sa dévotion fascinée pour sa riche maîtresse ainsi que ses manigances avec le faux comte. La deuxième partie, tout en reprenant cette même relation mais cette fois du point de vu d'Hideko, nous montre les tourments psychologiques de la "Lady" en passant juste avant par sa traumatisante enfance rythmée par la maltraitance et l'éducation sexuelle sous le joug de son oncle. Et puis le film se termine par un troisième acte avec les aboutissements de tous ces mensonges et ces manipulations.
Honnêtement, ma seul crainte au vu de la durée de 2h25 était le trop de longueur mais c'est un sentiment que j'ai très peu éprouvé (un peu quand même) tant les coups de théâtres et les rebondissements ponctuent efficacement le récit ! Chan-Wook semble à tous moments essayé de nous perdre, de nous désorienté pour semer en nous le doute quand à la question de celle/celui qui tire les ficelles, qui domine ? Et cela sans jamais s'empêtrer dans le sac de noeuds scénaristique qu'il a entre les doigts.
Autre chose qui m'a vraiment plu dans "Mademoiselle", c'est l'idée que ce film illustre un très bel exemple de dialectique du maître et de l'esclave et justement, le réalisateur explore bien en profondeur cette opposition, ce gouffre entre les classes sociales en soulevant tout le temps la question de laquelle de Sookee ou d'Hideko détient le pouvoir sur l'autre ?
Sookee est sensée être inférieur à sa maîtresse pourtant c'est elle qui l'éduque, qui prend soin d'elle comme une mère prend soin de sa fille. Il y a aussi ce moment ou Hideko offre les boucles d'oreille en saphir à Sookee et lui dit "tu ressemble à une Dame". Cependant, si l'on croit Hideko chétive et dépendante du à ses troubles psychologiques dans la première, toute la partie 2 change radicalement la donne lorsqu'on s'aperçoit que toutes ces crises de folie n'étaient que de la mise en scène et qu'elle contrôle tout autant le faux comte à sa guise.
Et en plus du rapport de classe, c'est également de la folie que Park Chan-Wook fait la critique
au fur et à mesure de la progression de l'intrigue ou le mensonge et la manipulation brouillent toutes les pistes on se demande si Hideko est belle est bien la folle en question ou si ce sont tous les autres qui le sont. Car serte, Hideko à reçu une éducation des plus malsaine est n'est finalement devenue qu'un jouet sexuel, une attraction pour les hommes venu écouter des poèmes obscènes (on comprend d'ou vient ce conditionnement) mais pourtant ce n'est pas elle mais Sookee qui finit à l'asile à la fin du premier acte (ça rejoint l'idée qu'à tour de rôle, servante et maîtresse ont successivement le pouvoir l'une sur l'autre).
L'ambiance de Mademoiselle est des plus étranges à décortiquer, parfois le film sait se montrer sous un jour des plus poétique et allègre....pour tantôt basculer dans le glauque froid et malsain. Le ton féministe saute aux yeux avec la plus grande évidence ainsi que la blâme de la soumission et l'éloge de
l'homosexualité. La mise en scène parvient vraiment bien à faire ressortir la passion et le désir sexuel de l'une pour l'autre (la question du sexe étant au coeur des thématiques). J'ai retenu l'idée que c'est au lit que la servante et la demoiselle se comprennent le mieux, qu'elles se libèrent de leurs contraintes liées à leur rang. Ces scènes d'amour sont filmées avec pas mal de champs vs champs et de gros plans qui donnent une petite atmosphère mélancolique.
L'émotion est là et bien là, entre romantique et tragique, on arrive à avoir toute sorte de ressenti pour les personnages. Ces 2 héroïnes peuvent nous inspirer tour à tour de la haine comme de la compassion ou de la pitié.
On à de la peine pour cette pauvre demoiselle élevée à coups de règle sur les doigts dans une bibliothèque gardée par un serpent (note que le choix du serpent n'est pas anodin, l'animal comprend beaucoup de symbolique comme la vitalité sexuelle ou peut être une traduction du caractère oppressant de l'oncle...), on a de la peine pour Sookee lorsque celle ci est frappée violemment par sa maîtresse, on angoisse lorsqu'Hideko s'empare de la corde pour aller se pendre à la branche du cerisier...
J'aurais encore pas mal à disséquer sur ce film mais je pense avoir fait le tour de l'essentiel.
A retenir," Mademoiselle" de Park Chan-Wook est vraiment une grande réussite du cinéma asiatique, un thriller amoureux intense abordant intelligemment la dialectique du maître et de l'esclave à travers un érotisme exotique et mélancolique et abordant des thèmes comme la folie, le féminisme, la maltraitance, la soumission, l'éducation sexuelle précoce des jeunes filles de bonne famille; vous n'en ressortirez pas indifférents, croyez moi ! ^^