Un prodige de liberté ! Avec une fluidité exemplaire, Rozier commence à tirer un fil banal (une situation entre des voyageuses et des contrôleurs de train) et le déroule au gré de son imagination débordante et sans limites. En homme qui va soudain découvrir sa voie, Bernard Menez trouve là son meilleur rôle, lui si souvent cantonné aux emplois comiques faciles et vulgaires. Quant à Luis Régo, il est comme à son habitude, drôle, tendre et attachant. L’auteur nous fait voyager au gré des méandres de cette histoire incroyable où les nouveaux personnages sont tous plus pittoresques que les autres, avec une mention spéciale pour Marcel Petitgars, impayable marin vendéen à l’accent horrible, joué avec bonheur par Yves Afonso. C’est un film sur le cinéma et son expression privilégiée de l’image, mais c’est un film sur le langage, aussi et surtout, Rozier arrivant à nous faire comprendre tous les dialogues, même ceux qui appartiennent à une langue que l’on ne connaît pas… C’est la plaidoirie de l’avocate (extraordinaire Lydia Feld) au début du film qui donne le ton, tellement étourdissante que le juge n’y comprend goutte et qu’elle produit l’inverse de celui recherché. La fin est sublime, plaçant au bout de son odyssée le contrôleur face à face à la nature qui a achevé de le transformer en homme libre, lui qui reconnaissait faire un métier d’esclave… Une magnifique leçon de cinéma et un propos aigu, au cœur de l’humanité et de sa perpétuelle quête de liberté (symbolisé par le personnage de Dejanira (Rosa-Maria Gomez), qui représente à elle seule toutes les minorités à travers les époques et les civilisations. Un grand film, courageux et noble, d’un grand auteur, libre et inspiré.