[Remarques générales. Je n'ai pas envie de juger et noter des films que je n'ai vus qu'une fois, souvent avec peu de connaissance du contexte de production. Je note donc 5 par défaut, et 10 ou 1 en cas de coup de cœur ou si le film m'a particulièrement énervé. Ma « critique » liste et analyse plutôt les éléments qui m'ont (dé)plu, interpellé, fait réfléchir, ému, etc. Attention, tout ceci sans égard pour les spoilers !]


Aveu pour commencer : j'ai somnolé quelque chose comme un quart d'heure pendant le premier tiers du film. Ce que je voyais me donnait envie de rester éveillé, mais je n'ai pas résisté à l'heure et à l'obscurité de la salle. Ce quart d'heure manquant fausse donc peut-être mes impressions.


Makala, c'est le parcours de Kabwita, jeune homme congolais, qui après avoir coupé un arbre pour en faire du charbon de bois, transporte sa production dans un immense paquetage sur un vieux vélo, et parcourt cinquante kilomètres pour la vendre en ville. (Le titre signifie « charbon » en swahili.)


Ce qui m'a beaucoup intrigué, et a nécessité que je me renseigne en sortant du film, c'est le dispositif du « documentaire » (qui n'est d'ailleurs pas toujours classé comme tel - pour SensCritique, c'est un drame). Le terme n'est pas usurpé puisque le film montre une réalité, de vraies personnes dans de vrais décors. Mais pas la réalité live : le film est écrit, et re-mis en scène à partir de l'expérience du sujet/personnage principal, Kabwita.


Comme cela n'était pas clair pour moi pendant le visionnage, je me suis posé beaucoup de questions tout au long du film. Est-ce que les moments esthétiques (par exemple, Kabwita marchant la nuit, éclairé à contre-jour par les seuls phares des camions qu'il croise) ont été saisis sur le vif ? Non, donc. C'est moins impressionnant, mais soit. Et puis, régulièrement, la caméra étant très présente. Il y a même de petits effets qui « font vrai » (de fausses erreurs ?) même si ce n'est pas le paradigme général - pas de caméra qui tremble -, par exemple une ombre qui trahit la caméra. Ce qu'on se demande aussi beaucoup, la caméra étant très présente, c'est ce que fait le cadreur, s'il aide Kabwita entre les plans - sa passivité étonne ou dérange (mais s'explique finalement quand on a toutes les clefs). De même, le fait que les sujets/personnages secondaires n'interagissent pas avec la caméra (à peine quelques regards furtifs) intrigue. Je crois que j'aurais préféré savoir la démarche dès le début. J'aurais été plus sensible et moins troublé par cette réflexion qui n'aboutissait pas.


L'identification a très bien fonctionné parce que, même si c'est dans des contextes qui n'ont évidemment rien de comparable, je me retrouve souvent à traîner des charges lourdes et à regretter de ne pas m'être organisé différemment. Et j'ai plus d'une fois utilisé un vélo comme destrier pour déplacer valises ou sacs d'accessoires.


La sensation générale que je retiens de ce film, c'est celle d'une agression permanente. L'agression est d'abord physique : la chaleur, l'effort, la poussière de la route, le danger des voitures très bruyantes qui passent, des conducteurs qui renversent le vélo sans scrupule... Elle devient ensuite violence économique : en ville, chacun.e négocie, personne ne veut mettre le prix réclamé par le pauvre marchand de charbon lequel, ensuite, se renseigne sur le prix de tôles pour couvrir sa maison - il lui en faudrait quinze, il n'a pas de quoi en acheter une.

Rometach
5
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le 15 janv. 2018

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Rometach

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