Ce qui fait tout le sel du film, c’est justement le fait qu’il est complètement amoral, et que l'inversion totale des procédés du film parano renouvèle considérablement le genre. Pendant toute l’histoire, nous verrons les évènements du point de vue de César, qui est loin d’être bien-intentionné envers ses semblables. Et c’est ce côté un peu pervers du film qui le rend finalement aussi attachant, la frustration de César étant très bien communiquée au public (à chaque fois qu’on passe sans le saluer, on ressent un certain agacement), on ressent un petit plaisir quand il s’adonne à une petite vengeance (et c’est là que le film entre en connivence avec le public, ces derniers étant liés par un jeu de « mauvaises blagues » qui va durer…). Ainsi, si la situation évolue globalement assez peu, le suivi psychologique de nos personnages est passionnant, autant pour César que pour sa principale victime, Clara. Une jeune femme belle et dynamique qui repousse sans arrêt ses avances d’un petit sourire condescendant, et qui déchire les lettres anonymes que César lui envoie. C’est entre eux qu’a lieu la véritable relation empoisonnée du film. Car une fois la nuit tombée, César l’endort à coup de chloroforme pour se glisser dans son lit pour la nuit. Le côté pervers de la relation n’est jamais atténué, il est au contraire le moteur du film, l’obsession de César l’amenant bientôt à vouloir la punir elle aussi de sa froideur. Et là, nous aurons de magnifiques empoisonnements du quotidiens, des trucs vicieux au possible (je pense surtout à la soude caustique diluée dans les produits de beauté, qui abîment chaque jour un peu plus la peau à chaque application). Malveillance est méchant, mais c’est une méchanceté dosée, contenue, qui n’explosera jamais vraiment (sauf pendant une scène clé du film), travaillant plus le raffinement que la hargne. On retrouvera quand même dans le récit quelques piliers des œuvres de Balaguero, comme cette mère à l’hôpital que César va visiter régulièrement, et à qui il raconte sa vie dans le détail, sans qu’elle puisse faire autre chose qu’écouter (alors qu’il semble vite évident qu’elle n’en peut plus). Le parcours de César, même minimaliste, est en tout cas intéressant à suivre, jusque dans sa conclusion un poil ambiguë, et d'une cruauté à l'image de César : toute en finesse. On n’est pas dans A entrar para vivir et ses hectolitres de sang, mais le voyage valait le détour. On délaisse complètement le fantastique, et le terrain du réalisme sied ici parfaitement à Balaguero, qui en tire le meilleur du pire. Peut être un modèle dans sa catégorie.

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le 4 mai 2014

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Voracinéphile

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