Cela faisait longtemps que j'entendais parler de ce « Mandingo », référence maîtresse de Quentin Tarantino pour son « Django Unchained », de très longues années introuvables avant que Jean-Baptiste Thoret l'exhume pour notre plus grand plaisir de cinéphile. Massacré par la presse à sa sortie, très nettement réévalué (et pour cause!!) depuis, celui-ci ferait presque figure d'œuvre maudite tant la censure et les critiques toutes plus injustifiées les unes que les autres lui ont fait quitter l'affiche prématurément. On en parle beaucoup comme de l'anti-« Autant en emporte le vent » : il y a du vrai, le film n'hésitant effectivement pas à aborder tous les sujets polémiques soigneusement évités par le classique de Victor Fleming en 1939.
Mais ça va beaucoup plus loin : d'une crudité insensée, n'hésitant pas à remuer le couteau dans la plaie jusqu'au vertige, l'œuvre s'avère d'une complexité rare, traitant la question de l'esclavagisme avec tout la brutalité qui la caractérise, n'épargnant quasiment pas un seul de ses personnages, dans le meilleur des cas ambigus, souvent effrayants par leur état d'esprit. Aucune horreur, aucune humiliation ne nous sont épargnées, admirablement écrites par un scénario exceptionnel, alignant scène mémorable sur scène mémorable, que vous révéler ici serait presque criminel.
Inceste, viols, châtiments corporels, enfant tué à la naissance, uxoricide (j'avoue, je viens de découvrir l'existence de ce mot il y a trente secondes : je vous invite à aller découvrir sa définition!) :
pas étonnant que les puritains aient été en PLS tant le dixième les auraient déjà ulcérés.
Alors c'est vrai, tout n'est pas parfait : le montage final a quasiment été diminué de moitié, pouvant donner un aspect légèrement bancal à de rares moments. On note également parfois de très grandes différences de photographie, d'éclairage d'une scène à l'autre, pouvant déconcerter. Mais ces réserves sont biens dérisoires au vu de la réussite exacerbée qu'est ce brûlot emportant tout sur son passage, sans la moindre concession. « Mandingo » a fait beaucoup de mal à la carrière de Richard Fleischer : il s'agit pourtant de son dernier grand film, et peut-être sa réussite la plus insolente, la plus éclatante, à l'image de cette ahurissante séquence finale, risquant de nous rester en mémoire très longtemps... Éditer cette œuvre afin de la faire (re)découvrir au public contemporain était plus que nécessaire : c'était quasiment une obligation morale et artistique. Indispensable.