Manto
6.4
Manto

Film de Nandita Das (2018)

Après avoir découvert Leto, et à l’issue du visionnage de Manto, il semble que la question de la place des artistes soit bien un sujet important dans cette édition du Festival de Cannes. En URSS, c’étaient les musiciens qui tentaient de se faire une place dans une société axée sur le patriotisme et les traditions, ici ce sont les nouvelles d’un écrivain qui gênent et posent des questions d’éthique après la Partition menant à la création du Pakistan. On observe, ici, la vie tumultueuse de Manto, écrivain plein d’imagination cherchant surtout à parler de la société avec dérision et sarcasme pour la mettre face à ses dérives.


La vie de l’écrivain est chaotique, à l’image de ce film au rythme très décousu et souvent incertain, nous empêchant de facilement nous accrocher à des repères aisément identifiables. La démarche est parfois tout à fait louable, à l’image des petites scènes illustrant les nouvelles de l’écrivain pour leur donner vie et mieux contextualiser son oeuvre. Toutefois, d’un autre côté, la construction souvent assez peu organisée du film empêche de suivre clairement l’histoire et de réellement plonger dedans sans se demander où nous en sommes ou pour quelles raisons les choses évoluent d’une certaine manière.


En revanche, le film dispose d’une très belle photographie permettant de bien retranscrire l’Inde et le Pakistan de l’époque, et de disposer d’éléments de compréhension sur le contexte historique et géopolitique de l’époque. Le personnage de Manto n’est pas choisi au hasard, il est bien là pour faire le pont entre traditions et remise en question, entre censure et liberté de parole, contestant un optimisme aveugle et complaisant au profit de l’écriture d’une vérité qui blesse. L’artiste est, ici, un individu qui gêne, il génère de la méfiance et, pour ses proches, semble incapable de faire preuve de stabilité. Sur ce point, donc, la cinéaste indienne parvient à bien communiquer ses idées et ses messages.


On regrettera, cependant, ce rythme décousu et des lenteurs pesantes qui alourdissent Manto, d’une durée pourtant raisonnable, et qui l’empêchent d’avoir la puissance dont il pouvait disposer. Il pose les bonnes questions et y apporte des réponses intéressantes, mais on aurait pu en espérer plus.

JKDZ29
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le 19 mai 2018

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