Une fille dénudée qui court en hurlant, des scènes de torture devinées, une famille tout droit sortie d'une pub pour ricorée décimée à coup de fusil de chasse, une baston schizophrène qui rappelle Haute tension: en trois quarts d'heure, Pascal Laugier expédie les conventions du genre grâce à une maturité impressionnante. Absence totale de dogmatisme technique: cadrages serrés et oppressants ou plan-séquences nerveux, opacité du récit mais maitrise du rythme par le montage, équilibre parfait entre moments faibles et forts, remarquable étude de caractères: tout est au service de l'horreur lors de cette première partie, à la fin de laquelle il laisse le spectateur déjà totalement sonné par la violence graphique et la densité scénaristique. Se pose alors une question: que reste-t-il à voir maintenant? Quelque chose d'inédit dans le cinéma d'horreur moderne: au rythme effréné de la première partie répond la lenteur presque envoutante de la suite, de la lumière-relative- on plonge dans les ténèbres de territoires jamais balisés encore. Ce basculement dans le cauchemar, sans cris, sans explication, sans demande d'explication, par longs tableaux entrecoupés d'écrans noirs nous présentant de manière absolument frontale l'horreur plonge le spectateur dans une sorte d'état second. Ce long calvaire a quelque chose de beau, de poétique, de romantique presque, qui fait de Martyrs une expérience sensorielle et émotionnelle inoubliable, un chef d'oeuvre aspirant à l'absolu.