A l'inverse de ses protagonistes, qui ne réclament que la pluie, Maudite pluie ! a litérallement reçu une pluie de nominations et récompenses dans de nombreux festivals, dont Cannes 2011. Satish Manwar nous livre un récit sur un drame de société, dont on a brièvement entendu parler dans les magazines, mais qui nous est enfin porté à l'écran, afin d'en comprendre l'ampleur.
• Kisna (Girish Kulkarni) et Alka (Sonali Kulkarni) s'aiment et affrontent ensemble le sort difficile que leur réserve leur vie d'agriculteurs dans la région du Maharashtra, en Inde. En effet, les sécheresses à répétition poussent un grand nombre de paysans ruinés au suicide.

Alka, craignant que son mari ne subisse le même sort, convainc son entourage d'établir une « garde rapprochée » pour veiller sur lui. Malgré la sécheresse redoutée, Kisna continue à cultiver sa terre, mais chacun de ses faits et gestes est désormais au centre des plus grandes inquiétudes. Surtout lorsque la pluie tarde à arriver...
Quand on parle de cinéma Indien, il nous vient tout de suite à l'esprit Bollywood, où les acteurs chantent et dansent, et colportent une joie de vivre sans limite. Ici, c'est l'inverse. Filmé à l'occidentale, Maudite pluie ! n'est pas un divertissement réservé — strictement — à un public Indien, mais formaté pour être distribué internationalement et colporter un message par-delà les frontières, celui d'un condition paysanne qui n'a jamais été si mal.
Evidemment, on sait qu'être paysan n'a été jamais facile, et qui plus est dans un pays du tiers monde, mais les chiffres sont révélateurs. Entre 1997 et 2007, près de 182.000 paysans se donnèrent la mort. Des chiffres inquiétants, et en accroissement, et l'on comprend que Satish Manwar, le réalisateur, ait voulu mettre en images cette triste réalité.
C'est d'ailleurs avec une certaine intelligence qu'il s'y prend, se concentrant sur la vie de ce couple d'Indiens, ainsi que des quelques personnes qui les entourent. Jamais Manwar ne porte de doigt accusateur, si ce n'est lors de brèves occasions, afin de dénoncer un gouvernement absent quand son peuple a besoin de lui, mais qui n'hésite pas à envoyer des représentants, chèques en mains, dans le but d'être pris en photo lors de leurs remises aux familles en deuils, et faire ainsi bonne figure. D'autres vives critiques sont faites à l'encontre des établissements bancaires ainsi qu'aux exploitants, mais encore une fois de façon feutrée, sans s'éterniser dessus, car au final, le seul véritable coupable est celui mentionné dans le titre du film, la pluie, qui refuse de tomber, ruinant ces paysans et plongeant ces familles dans le désarroi.

Bref, Maudite pluie ! est un film intéressant, mais surtout important, de par son côté informatif, mais souffrant également des défauts inhérents aux films indépendants en provenance du tiers monde. Oubliez les décors en grandes pompes, les acteurs subjuguants, les costumes charmeurs et la réalisation millimétrée comme l'Inde nous gratifie à l'accoutumée; on gît dans la pauvreté, dans le bricolage, dans la direction hasardeuse, et pourtant, grâce au couple Kulkarni, ainsi qu'à l'importance du sujet, on passe outre ces limitations pour en absorber la sève, et finalement trouver une beauté insoupçonnée dans ces regards désespérés et une chaleur apaisante dans ces maisonnettes en terre. Un sentiment contradictoire, la pluie incarnant une épée de Damoclès que les occidentaux préfèrent garder loin d'eux pour bronzer, alors que les Indiens au contraire prient de tout leur coeur pour avoir ne serait-ce qu'une petite bruine. On apprécie également que le côté mélodramatique des premières minutes soit vite abandonné, afin de mettre en avant le courage sans limites d'une famille soudée qui tentera tout son possible pour trouver un côté positif dans ces journées arides qui se suivent et se ressemblent.
Pour conclure, ceux qui se sentent concernés par le destin de l'homme, qu'il soit son voisin ou une personne de couleur différente à l'autre bout du monde ne pourront qu'applaudir cette oeuvre unique et passionnante. Les plus stricts pourront toujours trouver à redire, mais c'est là le critère occidental, se plaindre d'être chanceux.
Mention spéciale pour Sonali Kulkarni, une femme superbe et resplendissante, qui après Mission Kashmir et Devrai, nous gratifie une nouvelle fois de son talent d'actrice, véritable valeur ajoutée du film.
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le 3 juin 2011

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