Megalomaniac
5.7
Megalomaniac

Film de Karim Ouelhaj (2022)

Megalomaniac est un drame horrifique belge réalisé par Karim Ouelhaj , un film qui s'inspire vaguement de l'histoire vraie du dépeceur de Mons, en tout cas qui va utiliser ce sordide fait divers comme toile de fond à son intrigue. Un rapprochement avec la réalité sans doute pas totalement indispensable mais qui ancre encore un peu plus ce récit étouffant dans le sombre quotidien d'un singulier couple de tueurs.


Megalomaniac nous raconte donc l'histoire fictive De Martha et Felix les enfants du dépeceur de Mons, lequel lui étai bien réel. Si le fiston perpétue la tradition familiale en s'attaquant violemment à des jeunes femmes, la fille malade et psychologiquement instable tente de vivre une vie presque normale en travaillant comme femme de ménage dans une usine. Comme les fils de chien ne font pas des chats, la jeune femme harcelée, moquée et régulièrement violée par deux ouvriers va finir elle aussi par basculer...


Megalomaniac s'inscrit dans cette vague de drames horrifiques poisseux à la violence réaliste, sèche et malsaine qui s'en va éprouver le regard du spectateur. Le film nous plonge ainsi dans le sordide quotidien de deux rejetons du diable qui vivent presque cloîtrés dans une immense baraque qui semble depuis longtemps hermétique à la lumière du soleil et dans laquelle semble suinter par tous les murs les stigmates des exactions de leur monstrueux paternel. Megalomaniac est un film étouffant et éprouvant à la photographie froide, blafarde et terne et à l'ambiance sonore sombre et anxiogène, un film qui nous plonge dans un univers torturé et maladif de troubles mentaux et de violence qui semble couler dans les veines des protagonistes comme un sordide héritage génétique. Bien que les pieds solidement rivés au sol gluant et poisseux du réel, Megalomaniac s'offre aussi quelques digressions fantasmagoriques et fantastiques effrayantes souvent générées par l'imaginaire malade des protagonistes eux mêmes. Car si le film de Karim Ouelhaj bouscule et éprouve nos sens, il sait aussi nous coller un imperceptible sentiment de malaise et de terreur en invitant la folie de ses protagonistes à venir épisodiquement parasiter l'image. Quelque part entre Martyrs, Répulsion et Henry Portrait Of A Serial Killer le film explore les troubles mentaux de ses personnages à travers un récit glaçant par son réalisme et éprouvant par sa froide et implacable violence. Tout transpire la tristesse, la médiocrité, la violence et la misère à l'image de cette usine dans laquelle Martha subit régulièrement les pires humiliations de la part de deux ouvriers abjects sous l’indifférence complice d'un petit chef trop lâche pour agir. Si le personnage de Felix ressemble à un tueur froid, méthodique et quasiment dénué de toute notion d'empathie en revanche le personnage de Martha est bien plus troublant tant il nous interroge sur la notion même du mal et au final bien malin celui qui pourra clairement définir si cette jeune femme fragile est dans le camp des victimes ou des bourreaux.


Le film de Karim Ouelhaj s'appuie également sur un formidable casting avec tout d'abord Benjamen Ramon dans le rôle de Felix, l'acteur impose son allure étrange de dandy visqueux comme un serpent et donne à ce tueur froid comme la mort toute la morbide fascination que peuvent exercer les grandes figures du mal. Mais le personnage principale du récit reste sans aucun doute Martha et c'est elle qui focalise à l'évidence la plus grande attention de la part du réalisateur. C'est la comédienne Eline Schumacher (récemment vue dans la série Des Gens Biens) qui incarne cette figure inquiétante à la délicieuse ambiguïté. Un personnage fragile qui semble tellement et irrémédiablement victime de tout un entourage ultra-toxique qu'on se prend régulièrement d'empathie pour elle, puis qui bascule parfois dans une folie destructrice qui la rend détestable. Pour tromper sa solitude, pour déverser sa propre haine et rancœur du monde, Martha va asservir une jeune femme retenue captive comme un vulgaire animal de compagnie ; entre délicates et absurdes petites attentions et débordement de violence d'une relation maître esclave Martha semble ainsi constamment hésiter entre s'inclure dans le monde et y imposer en force sa présence. Tantôt douce et perdue, parfois froide et déterminée dans sa violence entre deux crises de folie grotesque le personnage de Martha offre à la comédienne Eline Schumacher une large palette d'émotions contradictoires qu'elle incarne toujours avec justesse et application. Certaines scènes provoquent un profond malaise en grande partie grâce à l’implacable justesse de l'interprétation de Eline Schumacher comme lorsque Martha commence à répondre n'importe quoi à une assistante sociale ou qu'elle nourrit son esclave de compagnie désemparée et en pleurs en jouant à l'avion avec une petite cuillère comme on le fait avec un gosse de deux ans.


Megalomaniac est un très bon film poisseux et éprouvant qui nous plonge tout autant dans le quotidien que dans les méandres mentales de deux tueurs par hérédité. Un film fort et intense porté par sa formidable comédienne et son univers qui vous colle à la peau comme un vieux rideau de douche, froid et moisi.

freddyK
8
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le 8 oct. 2023

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Freddy K

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